Un « lab » pour penser et porter collectivement les transformations de l’action publique

Entretien avec Martine Poulin, directrice du Centre Cnam Paris et lauréate de la quatrième édition du Transformateur, spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations »

Martine Poulin est ingénieure de recherche au Conservatoire national des arts et métiers. Depuis 2 ans et demi, elle est la directrice du centre Cnam Paris. Lauréate du Transformateur spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations », elle a accepté de nous parler de son projet, le Lab’ Cnam Paris.

 

 

Bonjour Martine, et merci d’accepter cet entretien. Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer la naissance de votre projet ?

Je suis praticienne-chercheure dans les domaines de l’orientation, de la formation et du travail, et à ce titre, j’appréhende ma fonction sous le prisme de l’analyse du travail. L’un de mes axes prioritaires est d’accompagner au mieux les personnels dans leur vie professionnelle en facilitant le développement de leurs apprentissages et de leurs compétences en situation de travail.

Le Cnam a récemment conduit un projet de réorganisation appelé « Cnam 2020 » qui a occasionné un changement des missions et des périmètres d’activité de nombreux personnels de l’établissement. Il fallait donc accompagner ce changement organisationnel et managérial, et faciliter l’adaptation des agents à leur nouveau contexte professionnel. Ce besoin a été pris en compte très rapidement par notre direction des ressources humaines.  En effet, certains agents étaient réticents à l’idée des changements annoncés, car le Cnam a connu d’autres périodes de réorganisation et il était difficile de les convaincre, de les faire adhérer à ce nouveau projet.

Si les agents n’adhèrent pas, il faut d’abord comprendre pourquoi. Je me suis dit qu’aborder le sujet par la question du sens du travail pouvait être un levier intéressant pour comprendre ce qui se jouait là.

En concertation avec des managers de ma direction, nous avons commencé par mettre en place des ateliers collectifs de travail, autour des activités plus directement impactées par le projet de réorganisation, à savoir les fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et de la scolarité – inscriptions, suivi, diplomation… L’idée était d’entendre ce que les agents disaient de leur métier, de comprendre la façon dont ils appréhendaient leurs pratiques, et de recueillir les représentations qu’ils se faisaient de leur activité dans le futur, en tenant compte du projet de réorganisation. Ces temps de travail ont fait l’objet de formalisations écrites partagées et ont été une occasion de valoriser par la même occasion le travail réel – versus le travail prescrit – des personnels.

A partir de ce qui est ressorti de ces différents ateliers, agréablement surprise par l’enthousiasme des agents à vouloir proposer des actions pour améliorer leur travail et leur qualité de vie au travail, je me suis dit que c’était par la redynamisation des collectifs de travail qu’on pourrait faire quelque chose de constructif et mettre aussi en place notre projet de direction du Cnam Paris.

C’est avec ce cheminement de pensée et d’actions centré sur l’intelligence collective et notre travail de veille que l’idée du Lab’ est née.  Nous l’avions repéré comme pouvant être un bel outil pour fédérer des collectifs autour de problématiques de travail et pour accompagner les changements organisationnels. Néanmoins, un point de vigilance m’interpellait : mettre en place ce Lab’, n’était-ce pas ajouter un dispositif à une somme de procédures déjà existantes ?

Avant de nous lancer, nous avons donc fait un benchmark et sommes allés voir des Labs déjà existants tels que ceux du SGMAP, Pôle Emploi, la 27e Région… et manifestement, ces Labs étaient souvent vécus de manière positive par les personnels les mobilisant. Ces retours d’expériences partagés nous ont aidés à nous lancer.

Nous nous sommes donc lancés dans l’ingénierie de ce projet. Le but que nous nous sommes fixé au départ était modeste : il n’était pas question de résoudre tous les problèmes d’organisation de l’entité, mais simplement d’avoir la possibilité de poser les problèmes collectivement dans un lieu dédié et à un moment donné.

Le LAB’ Cnam Paris a été pensé comme un outil au service de l’accompagnement des pratiques et des compétences professionnelles des acteurs, dans un contexte d’évolutions technologiques, réglementaires, numériques et sociales de l’organisation de travail.

Il vise à offrir aux personnels une expérience sociale riche et apprenante et à mobiliser l’intelligence collective afin de redynamiser des collectifs de travail et traiter ainsi des problématiques du travail quotidien. Le but est de créer un lieu qui constitue tout à la fois :

  • Un lieu d’appui et de résolution des problématiques de travail ;
  • Une émulation d’un réseau d’acteurs internes et externes ;
  • Un renforcement du sentiment d’appartenance et le développement d’ambassadeurs internes ;
  • Un accélérateur de projets ;
  • Un point de départ pour la transformation d’une organisation « bureaucratique » en une organisation « apprenante », favorisant la professionnalisation des acteurs ;
  • Une réponse aux enjeux d’amélioration continue.

Un double objectif est poursuivi : d’une part acculturer les agents à un nouveau mode de travail collaboratif et numérique, et d’autre part les professionnaliser en leur permettant d’enrichir leurs pratiques par l’apprentissage de nouvelles méthodes de travail, selon les besoins identifiés – design sprint, design thinking, méthodes agiles et créatives…

Tous ces éléments seront fondés sur une acculturation au numérique des personnels et sur la construction d’outils visant à soutenir le développement de l’établissement.  Pour ce faire, nous mobilisons différents professionnels – ergonomes, designers, consultants… – et méthodes pour analyser, co-construire, prototyper de nouvelles solutions, pour implémenter et essaimer le fruit de nos travaux.

Cet outil transversal portera sur tous les sujets, collectés par la plateforme numérique créée à cet effet, qui auront été préalablement analysés, qualifiés et sélectionnés par le comité de pilotage. Ils pourront ainsi concerner des questions liées à l’organisation du travail, le management ou l’offre de services proposée aux usagers. Par ailleurs, un comité de projet, assure la mise en œuvre opérationnelle du Lab’ Cnam Paris et se réunit tous les quinze jours.

 

Qu’est-ce qui vous a amenée à proposer ce projet au Transformateur ?

Ma candidature au Transformateur est due à un heureux hasard ! J’avais déjà participé à des stages sur la conduite du changement, la gestion des risques… Mais tout cela m’avait paru insuffisant dans la dynamique collective au travail que je souhaitais impulser avec les personnels. Quand nous avons eu l’idée de lancer ce Lab’, je me suis rapidement tournée vers Google pour faire des recherches sur les colloques et les séminaires qui existaient sur cet objet.

Car il a fallu que je m’acculture moi aussi à cette démarche. Dans la pléthore d’informations recensées, j’ai voulu m’inscrire à une réunion d’information sur les laboratoires d’innovation dans le service public.  Manifestement, je n’avais pas joint la bonne personne, puisque c’est l’équipe du Transformateur qui m’a répondu, et qui m’a encouragée à proposer un dossier de candidature. J’étais à la recherche d’idées, de pistes de travail, et de discussion sur ce projet. Il n’est pas toujours facile de savoir si l’on prend la bonne voie.

 

Qu’avez-vous retenu de votre passage par le Transformateur Numérique ?

Le premier apport du Transformateur, c’est un appui méthodologique. L’intervention d’une sociologue du travail m’a confortée dans mon hypothèse de départ : elle rappelait que la participation des salariés ne pouvait pas se décréter, et qu’elle ne fonctionnait que s’il y avait un sens partagé au sein des collectifs de travail. Les liens entre participation, performance et conditions de travail ne vont pas de soi, et le fait de les avoir travaillés ensemble, en petits groupes, est un réel bénéfice pour le fondement du projet.

Les regards distanciés ont aussi été très porteurs : le fait de parler de son projet à des personnes qui ont des problématiques différentes, mais qui comprennent ce que vous voulez faire, apporte une aide réelle. Nous avons pu mettre en évidence les ressources et les freins, et ainsi faciliter la structuration des différentes étapes du projet, en les questionnant et les réajustant le cas échéant.

Depuis cette participation aux journées du Transformateur, j’ai pu avancer, notamment sur le portage institutionnel de projet de Lab’. J’avais acquis l’appui de la direction et j’ai présenté le projet aux organisations syndicales, qui ont affirmé leur accord sur le principe du projet. Si les représentants du personnel adhèrent à l’esprit du projet, c’est parce qu’il vise non seulement à la fois à améliorer la production au travail, la performance, mais aussi à améliorer la qualité de vie au travail.

 

Quelles sont les suites pour ce projet ?

Ces derniers mois, nous avons poursuivi la dynamique du Lab’ Cnam Paris. Nous avons proposé une première session, à partir de la question de la convention de stage, qui semblait poser problème aux personnels. Cela peut paraître dérisoire, mais derrière la problématique initiale de la convention de stage, se jouent des logiques organisationnelles, managériales, institutionnelles… Nous avons fait émerger ces problématiques en construisant une carte mentale, à partir de la question « Qu’est-ce qu’une convention de stage ? »… Je n’aurais pas imaginé qu’elle puisse être aussi riche ! Nous avons alors pu redéfinir l’ensemble du process lié à la convention de stage. A partir d’un problème pratique et clairement identifiable, nous avons donc discuté de problématiques plus générales. Mais l’idée n’était pas de tout résoudre tout de suite, même si nous avions bien avancé. Le but, c’est de poser ensemble les problématiques et de prendre l’habitude de les discuter et de les traiter collectivement.

Cette première session nous a aussi permis de consolider la méthodologie. Nous avons travaillé à partir d’une plateforme collaborative, ce qui est un véritable changement pour beaucoup d’entre nous, au Cnam. Et nous en avons profité pour formaliser des documents tels qu’une charte et des principes de fonctionnement.

Nous sommes conscients qu’un Lab’ par définition n’est pas pérenne et que sa durée d’existence est de deux à trois ans. A ce stade, notre objectif est d’en tirer les bénéfices positifs et ressourçants, à la fois du point de vue de l’entité que du point de vue des acteurs qui la composent. Ce Lab’ initie une démarche ; les personnels participent collégialement et collectivement à des résolutions de problématiques de travail et en sont ressortis ravis. Et c’est déjà pour moi une belle réussite.

A terme, ce lieu deviendra un lieu plus ouvert, où chacun pourra organiser des sessions de manière plus autonome. Si l’acculturation des personnels sur cette nouvelle manière de travailler réussit, ces sessions n’auront plus à être animées : ce lieu deviendra plus un incubateur de projets qu’un Lab’ destiné à l’animation de sessions participatives.

 

Une bonne raison de participer au Transformateur Numérique ?

Le Transformateur nous a apporté à la fois des éléments de consolidation du projet, et la richesse de regards extérieurs. Le partage d’expérience permet de prendre confiance en son projet, et la discussion nous amène à clarifier nos idées. J’ai trouvé les intervenants très pertinents, et le cadre, qui détone par rapport à ce qu’on a l’habitude de voir, est une véritable invitation à faire autrement !

J’ai embarqué dans cette aventure une équipe projet qui a choisi de relever ce challenge avec moi et je tiens à les remercier pour leur confiance. Un grand merci également à tous les contributeurs de sessions de ce Lab’Cnam Paris, à Hélène Gallais et Christian Bouché.

Préparer notre changement pour mieux accompagner nos clients dans les évolutions à venir

Entretien avec Nicolas Cauchy, directeur « Nouvelle offre digitale » chez Secafi, lauréat du Transformateur spécial « Participation »

Le cabinet d’expertise Secafi, spécialisé dans l’appui aux instances représentatives du personnel, se lance dans un projet de transformation numérique de son organisation interne et de son offre. Nicolas Cauchy, directeur « Nouvelle offre digitale » du cabinet, revient sur son passage par le Transformateur spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations », dont Secafi sort lauréat grâce au projet « Dès aujourd’hui préparons demain ».

 

Bonjour Nicolas, et merci d’accepter cette interview. Pour commencer, pouvez-vous nous donner une idée de votre parcours ?

Il y a une vingtaine d’années, j’ai commencé à travailler pour Framatome ; mon métier consistait à chercher des solutions pour maintenir l’emploi, dans des organisations qui connaissaient des restructurations. Par la suite, je me suis dirigé vers le métier que j’exerce aujourd’hui : il s’agit toujours d’être tourné vers la préservation de l’emploi, mais avec un axe supplémentaire, celui de l’appui aux instances représentatives du personnel. Mon travail comprend une dimension juridique, qui correspond à ma formation, et un angle plus économique : chez Secafi, nous prenons acte du fait que la meilleure garantie pour l’emploi des salariés, c’est une entreprise qui fonctionne bien, qui obtient de bons résultats, avec un souci de partager ces résultats à l’ensemble des salariés.

Il y a 15 ans, les problématiques des entreprises étaient assez différentes de celles que l’on connaît actuellement : les enjeux de souplesse, de polyvalence, de transformation digitale… sont devenus majeurs. Certaines organisations sont plus avant-gardistes que d’autres. Des entreprises se sont emparées rapidement de ces questions, d’autres moins. Dans ma pratique, j’essaie d’intégrer ces enjeux : il faut avoir le souci de penser ces transformations en interne pour mieux accompagner nos clients dans les changements qu’ils vivent.

 

Comment l’idée du projet « Dès aujourd’hui, préparons demain » est-elle apparue ?

Secafi a plus de trente ans d’existence, et ne vient pas d’un monde très avant-gardiste. C’est parfaitement normal : l’expertise comptable draine avec elle des problématiques liées au respect de la confidentialité des données, et à une déontologie plus générale de la démarche commerciale. Chez nous, donc, il y a des experts, des gens brillants, qui sont habitués à travailler seuls. Leur mission consiste à délivrer un rapport technique, un rapport d’expertise. Or le monde de l’entreprise change, et avec le monde de nos clients. Bien sûr, l’expertise technique est toujours sollicitée, et les IRP sont toujours soucieuses de l’amélioration des conditions de travail. Mais le contenu politique de la demande s’est amoindri, au profit d’exigences nouvelles : il faut permettre une plus grande réactivité, peut-être des rapports plus courts et mobilisables plus facilement, des supports plus divers… Dans ce cadre, nous voulions être capables de penser ensemble les changements auxquels nos clients font face et notre propre transformation. C’est pourquoi nous avons proposé un projet qui comprenait trois dimensions. L’idée était d’avancer au même rythme sur chacun des trois volets, à savoir :

  • Un premier volet adressé à nos clients, l’application AMIS – Application des élus Mieux Informés by Secafi -, un réseau social pour les représentants du personnel. Sur ce projet, nous avons été accompagnés, et nous avons pu rencontrer des clients, discuter de leurs besoins réels.
  • Un angle QVT, qui devait permettre de condenser dans une seule application tous les dispositifs qui avaient été créés jusqu’alors pour faciliter le travail des consultants, notamment du point de vue administratif.
  • Un troisième angle est méthodologique : il s’agit de mettre en place des formes de travail plus collaboratives. En réponse à un problème d’un client, on doit parfois pouvoir être capable de mobiliser plusieurs types de compétences. Pour ça, nous avons créé l’ETCC – Environnement de Travail Collaboratif et Connecté.

Le but était non seulement d’assurer une progression relativement synchrone de ces trois projets, mais aussi de les articuler.

 

Qu’est-ce qui vous a amenés à candidater au Transformateur ?

C’est un lauréat de l’année 2016 qui nous a parlé du Transformateur. Il nous accompagnait sur l’élaboration de l’application AMIS, et nous a signalé l’existence de cet appel à projet.  Et même si pour ce premier volet du projet, les choses étaient déjà bien engagées lorsque nous avons candidaté, nous ressentions le besoin de discuter des deux autres aspects du projet. Nous avions conscience de toucher des éléments sensibles, d’aller dans le dur. Certains éléments sont structurants pour les collègues, c’est là-dessus que nous avions besoin d’avancer.

Par ailleurs, passer par le Transformateur nous permet de signaler que notre projet a une valeur, c’est un gage de sérieux.

 

A ce propos, qu’est-ce que la rencontre avec les organisateurs du Transformateur Numérique et les autres porteurs de projet vous a apporté ? En quoi ces temps d’échange vous ont-ils aidé à repenser votre projet ?

Le premier apport du Transformateur, c’est qu’il est rassurant pour nous d’avoir été sélectionnés. Ce qui rassure aussi, c’est de rencontrer d’autres entreprises, d’autres personnes issues de tous horizons et qui font face à des questionnements semblables aux nôtres. Il en est ressorti, d’une part, que le projet que nous portions faisait sens, et l’idée d’articuler les trois dimensions a été validée par le groupe. Mais surtout, les autres porteurs de projet ont eu des questions pertinentes, l’échange a été vraiment fructueux pour nous. J’espère avoir eu le même rôle pour eux, parce qu’ils nous ont vraiment aidé à avancer. La manière d’organiser l’animation a été d’une efficacité redoutable : elle a permis d’identifier les nœuds et d’amorcer une réflexion qui permette de dénouer ces problèmes.

Concrètement, les pistes qui sont ressorties de ces échanges sont les suivantes : pour l’application Compagnon, nous avons décidé de suivre la recommandation de faire intervenir un sociologue qui aille interroger les équipes, pour avoir une connaissance plus fine des besoins. Aujourd’hui, avec les aménagements que nous avons apportés au dispositif, nous avons l’impression que les blocages initiaux sont en train de se lever.

Quant à l’ETCC, nous avons décidé de cibler trois chantiers prioritaires. Le premier consiste en un accompagnement en interne du projet – produire un bilan intermédiaire, mettre en avant les avantages économiques…. Le second, c’est de solliciter l’Anact pour une expertise en ergonomie sur l’aménagement de nos deux salles déjà existantes, afin de pointer ce qui fonctionne, ce qui constitue un frein, et construire un modèle de salle transposable à nos autres sites. Enfin, nous démarrons notre expérimentation avec deux coachs seulement. Cela peut paraître faible, mais avant d’augmenter le nombre de coachs, il nous faut mieux caractériser ce métier : il doit s’intégrer dans nos grilles, et être reconnu. Sur ce dernier aspect aussi, nous aurions besoin d’un accompagnement, à la fois en interne (solliciter les services RH), mais aussi d’un prestataire externe.

 

Projetez-vous, par ailleurs, de recontacter les autres porteurs de projet ?

Nous nous sommes déjà rapprochés de porteurs de projet qui avaient un besoin d’accompagnement. Par ailleurs, un grand nombre de porteurs de projets avaient l’idée de fabriquer un espace de travail. Nous avons décidé ensemble de mutualiser des temps de visite dans des espaces de travail collaboratif, afin de repérer les éléments dans ces espaces qui renvoient à une véritable créativité, et pour construire une base de références communes, qui nous offre des points de repère sur l’aménagement de ces espaces.

 

Pour finir, si un porteur de projet vous demandait de lui donner une seule et bonne raison de participer au TN, quelle serait-elle ?

La confrontation avec d’autres situations, d’autres entreprises de tous horizons, ayant des enjeux de transformation similaires, est portée par une méthode d’animation qui permet de passer les projets à la loupe et de faire aboutir des questionnements, tout en assurant l’ouverture et la bienveillance dans les remarques des autres candidats, même lorsqu’elles paraissent épineuses.


Merci à Nicolas Cauchy pour cette interview. Pour en savoir plus sur la cabinet d’expertise Secafi, consultez leur site :
www.secafi.com

« Favoriser la participation des collaborateurs non connectés »

Entretien avec Christophe Jow, co-fondateur de la start-up Captila et lauréat du Transformateur spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations »

 

Christophe Jow et Jules Boiteux sont lauréats du Transformateur spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations ». Respectivement diplômés de l’École Centrale de Paris et de HEC Paris, ils ont lancé le projet Captila en mai 2017. Il s’agit d’une plateforme SaaS* de collecte de données RH, et notamment de données concernant la qualité de vie au travail. Captila est spécifiquement adaptée aux collaborateurs non-connectés (i.e. les collaborateurs qui ne possèdent pas d’adresse mail professionnelle, et/ou qui n’ont pas de téléphone ou d’ordinateur professionnel). La plateforme Captila se présente au départ comme un routeur multicanal permettant aux collaborateurs, sur la base du volontariat, de répondre à des questions RH via la messagerie web de leur choix. Les données récoltées sont traitées sous formes d’indicateurs, puis transmises aux services RH. Christophe nous raconte le parcours et les évolutions de son projet.

 

Bonjour Christophe, et merci d’accepter cette interview. Pourriez-vous nous raconter ce qui vous a amenés à fonder Captila ?

Jules et moi sortons tout juste de nos études ; le fait que nous nous positionnons sur des problématiques propres aux entreprises peut donc paraître surprenant : à part nos stages de césure, nous avons peu d’expérience en entreprise. C’est qu’au départ, nous voulions nous attaquer aux problèmes de communication interne dans les écoles, et en particulier à la communication entre les personnels des administrations et les étudiants. C’est une problématique qui nous touchait directement : il nous manque des informations, on envoie un mail à l’administration pour les obtenir, et on se voit répondre que l’information a déjà été transmise aux étudiants… En fait, un grand nombre de mails importants se retrouve noyés dans un flux d’informations qui arrive dans nos messageries, et finissent par se perdre.

L’idée de départ, c’était donc de remédier à ça, en permettant à l’administration d’envoyer les messages importants (comme les dates de rendu des rapports de stages, les rappels des échéances, etc.) sur la messagerie du choix des étudiants. A SupOptique et HEC, nous avons testé une première plateforme, où les messages étaient envoyés par SMS. Nous avons eu de très bons retours de l’administration et des étudiants. Le problème, c’est que le marché n’était pas viable du tout : débloquer des budgets des écoles pour ce type de dispositif, ça n’intéressait pas forcément les directions. Les personnels de l’administration en voyaient bien l’intérêt, mais les personnes qui devaient payer, beaucoup moins…

 

Nous nous sommes donc tournés vers les entreprises, en restant focalisés sur les problèmes de communication interne. Nous avons mené environ 80 entretiens avec des directeurs et des directrices de communication, dans des entreprises de toutes tailles, et dans tous les secteurs. C’est alors que la problématique de la fracture numérique est apparue. Des directeurs de communication nous faisaient part d’un écart gigantesque entre deux types de communication : ils parviennent très bien à communiquer sur l’intranet, à délivrer les informations par mail, et même s’ils n’ont pas de garantie que les gens les lisent, ils savent que l’information est disponible. A l’inverse, pour communiquer auprès des personnes qui sont sur les chantiers ou dans les usines, le seul moyen disponible, c’est l’affichage papier, qui demande plus de temps et d’argent, et qui ne permet pas de délivrer l’information en temps réel. La communication descendante constituait donc la première problématique visée, mais nous nous sommes rapidement aperçu que les remontées d’informations étaient tout aussi importantes.

Afin de proposer un outil efficace, il fallait partir des usages concrets, et nous avions besoin d’interroger des collaborateurs. Ca a été un tournant dans notre projet : finalement, l’accès à la communication institutionnelle intéressait peu ces salariés. En revanche, ils témoignaient d’une certaine frustration vis-à-vis des RH, se sentaient peu entendus, et critiquaient le fait que les décisions soient prises pour le terrain sans qu’on les consulte, alors même qu’ils sont les premiers à en connaître les besoins. A ce stade-là, vers octobre 2017, nous avons donc décidé d’abandonner complètement l’idée de faciliter la communication descendante, pour nous orienter vers un outil de remontée d’informations.

 

Qu’est-ce qui vous a amenés à candidater au Transformateur Numérique spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations » ? 

 

Nous sommes incubés à l’incubateur de HEC, qui est logé à Station F. Ici, nous avons accès à un Slack** doté d’un chanel « Concours », où chacun poste les concours et appels à projets qui pourraient intéresser les autres. Au moment où nous avons vu passer l’annonce, nous avons trouvé que le thème correspondait parfaitement à notre projet, mais nous ne connaissions pas vraiment l’Anact, ni la Fing. Quand nous nous sommes renseignés, nous avons pensé qu’elles avaient exactement le type d’expertise dont nous avions besoin.

 

A ce propos, au moment de postuler, aviez-vous des attentes particulières quant à votre passage par le Transformateur ?

Plusieurs raisons nous ont poussés à postuler au Transformateur. La première, c’est que nous souhaitions rencontrer l’Anact afin de profiter de son expertise en matière de conditions de travail. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut avoir l’opportunité de rencontrer des spécialistes de la question. C’était aussi l’occasion de pouvoir faire connaître le projet et de le rendre plus visible.

Le plus important, c’est que nous voulions prendre du recul sur notre projet, ce qui n’est pas toujours facile à faire : il y a beaucoup d’avantages à travailler à Station F, mais finalement, on reste entouré d’entrepreneurs qui sont confrontés à des problématiques similaires aux nôtres et réfléchissent avec les mêmes codes que nous. Confronter notre projet aux regards de personnes issues de milieux complètement différents du nôtre permet de bénéficier d’une véritable ouverture. Au demeurant, nous avons vraiment apprécié de rencontrer les gens de Secafi, qui nous ont beaucoup aidés, et que nous n’aurions pas rencontrés sans le Transformateur.

 

Pourriez-vous expliquer en quoi la rencontre avec les autres porteurs de projets vous a aidé à repenser votre projet ?

Avant de postuler au Transformateur, nous avions déjà opéré un tournant en entrant en contact avec des DRH, ce qui nous a permis d’acquérir une bonne vision de leurs problématiques. Le Transformateur nous a également incités à nous tourner vers les représentants du personnel, qui expriment des besoins similaires aux services RH : il leur faut des remontées du terrain, et ils n’ont pas toujours les moyens d’aller chercher l’information. La présence de Secafi, qui travaille précisément avec les instance représentatives du personnel – IRP -, nous a été vraiment bénéfique. D’ailleurs, nous avons pris rendez-vous avec eux afin qu’ils nous aident à aborder ces acteurs, que nous connaissons encore mal.

 

Une bonne raison de participer au Transformateur Numérique ?

Le fait de pouvoir brainstormer avec des personnes que l’on ne rencontre pas au quotidien, ça permet de faire un pas de côté et d’apporter une certaine ouverture au projet. Et parce qu’il y a des moments qui sont consacrés à notre projet uniquement, cette ouverture est efficace pour nous permettre d’enrichir le projet.

 

Après 12 mois passés à la tête de Captila, Christophe Jow et Jules Boiteux ont décidé de mettre fin à leur activité. Ils partagent avec vous quatre billets dans lesquels ils reviennent sur l’aventure Captila, les raisons de son arrêt, ce qu’ils en retiennent, et l’après Captila. Nous leur souhaitons le meilleur pour la suite et vous invitons à suivre le parcours de ces jeunes entrepreneurs à l’avenir prometteur.

 

 

* Un logiciel en mode SaaS est un logiciel hébergé par le fournisseur. L’entreprise n’a pas besoin de l’installer pour accéder au service.

** Slack est un outil de messagerie de groupe instantanée.

Comment bien mener un projet de transformation interne ? Ce que le Transformateur nous apprend.

Une soixantaine de projets sont passés par le Transformateur numérique depuis son lancement, voilà quelques retours sur ce que nous avons appris pendant les sessions d’accélération.

Le numérique et les évolutions technologiques induisent des transformations profondes dans les organisations de travail : transformation des métiers et de l’organisation du travail, collaborations étendues, éclatement de l’unité de temps et de lieux, changements de la relation client etc. La transformation numérique des organisations vise plusieurs enjeux : devenir plus agile, innovant, efficace ; s’intégrer à des réseaux et des écosystèmes pour renforcer la coopération et développer l’intelligence collective ; réinventer la relation client et améliorer l’expérience utilisateur ; exploiter les données pour avoir une meilleure connaissance de son environnement ou optimiser des process ; … le tout en prenant en compte les conséquences dans l’organisation du travail quotidien des salariés et leurs conditions de travail.

Dans le cadre du Transformateur numérique, nous avons accompagné un certain nombre de porteurs souhaitant mener un projet de conduite du changement, de transformation numérique interne, d’innovation managériale : adapter les espaces de travail, ouvrir un incubateur qui associe clients et partenaires sociaux, se servir du numérique pour mettre en œuvre une offre de service qui tire l’organisation, expérimenter de nouveaux outils numériques au service d’entrepreneurs- salariés d’une coopérative, équiper des salariés de nouveaux outils numériques pour faciliter la collaboration entre les services et la coproduction sur des projets transverses, se doter d’une flotte de smartphones afin de réduire les aléas dans l’organisation du travail et les tensions qui surviennent entre les salariés nomades, utiliser les outils numériques actuels pour permettre de travailler à distance, développer une application pour fluidifier le travail collectif et renforcer l’autonomie, …

Ces projets de transformation interne peuvent rencontrer des difficultés dans leur déploiement pour plusieurs raisons : conduite de changement mal menée, gouvernance insuffisamment claire, manque d’adhésion des salariés et/ou des utilisateurs, outils ne répondant pas suffisamment aux besoins des salariés et/ou des utilisateurs, manque de relai managérial, manque d’interactions entre les services, déficit de communication, entre autres.

Les sessions de deux jours d’accélération du Transformateur numérique ont pour objectif d’éviter ces risques et d’aider les porteurs à avoir un autre regard sur leur projet en identifiant les points d’amélioration, notamment sur les aspects de qualité de vie au travail (organisation du travail, santé, performance, relation de travail, …). Les retours des participants nous ont ainsi permis de voir les changements qui sont intervenus dans les projets suite à notre intervention et d’identifier 4 grands types d’amélioration dans la conduite du projet :

Renforcement du projet avant sa mise en pratique

  • Enrichir la réflexion : identification des acteurs et parties prenantes, mise en place de groupes de travail mixte ou transverses, élaboration de scénarios d’usage, définition des critères d’éligibilité des salariés concernés.
  • Analyser les attentes, perceptions et besoins des différentes parties prenantes (patients, clients, usagers, salariés, …) dans le cadre d’une démarche plus collaborative, parfois avec l’aide d’un tiers (designer, consultant).
  • Prioriser les axes de développement du projet (rester ouvert aux différentes possibilités de développement, sans s’épuiser à courir 2 lièvres)
  • Analyser les besoins en compétences nécessaires à la transformation.
  • Définir des indicateurs (coût, temps de connexion, satisfaction, performance, gains, risques, santé au travail, …), qui deviendront dans le temps les points de référence dans l’évaluation de la démarche.
  • Enrichir la démarche par des étapes structurantes, avec parfois la nécessité de décaler certaines étapes pour une meilleure appropriation du projet par les parties prenantes.

Expérimentation

  • Expérimenter des usages, des méthodologies ou des services avant de l’étendre éventuellement à l’ensemble de la structure.
  • Allonger la durée des tests  pour avoir des retours plus nombreux.
  • Location de matériel plutôt qu’achat.
  • Mettre en place une démarche de transformation des pratiques plutôt que choisir un nouvel outil.

Communication

  • Bien préparer la communication institutionnelle pour montrer la volonté de la direction de s’engager dans la transformation interne.
  • Communiquer au fur et à mesure de l’avancement des étapes, en mettant en avant les petites victoires, parfois par des moyens légers (organisation de « cafés digitaux » par exemple).
  • Rendre facile et ludique le process pour faciliter l’appropriation des sujets : échange informel de savoirs, approche par la motivation.

Renforcement du projet en cours de route

  • Former les salariés, les sensibiliser au numérique, avoir une nouvelle culture d’entreprise commune.
  • Faire évoluer les postures managériales (partage de l’information, potentielles différences de pratiques en matière de délégation, rapport à « l’horizontalité » et à la « transversalité »).
  • Créer un poste de « le coach mission » pour aider les salariés à appréhender les changements et utiliser les outils mis en place.

A ces quatre leviers d’amélioration des projets de transformation internet, il y en a un cinquième : la coopération. La coopération en interne, bien sûr, mais aussi entre projets, au sein même du dispositif du Transformateur numérique. Parfois, des porteurs de projets, qui se sont rencontrés lors des deux jours d’accélération, ont décidé de s’associer pour les aider à porter une autre vision, un autre positionnement, ou utiliser un autre outil (un acteur en accompagnement à la réinsertion professionnelle a utilisé un service de valorisation de ses compétences sous forme de photos, par exemple). D’autres ont eu besoin de faire intervenir des tiers ou d’élargir les partenariats pour mener à bien leur réflexion et leur projet (un cabinet de conseil alternatif a pensé son projet en mode « ouvert », par exemple).

Il n’y a pas de recette miracle pour mener à bien un projet de transformation interne, quelque soit le type de structure (privée/publique, pme/grande entreprise, start-up/entreprise traditionnelle, agriculture/industrie/service, …). Le constat que l’on fait au sein de la Fing et l’Anact, au-delà des quelques remarques évoquées ci-dessus, est de toujours penser « usages » avant « outil », c’est-à-dire de penser les utilisations, les besoins auxquels doit répondre le nouvel outil ou service, avant son achat ou son déploiement. Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place une démarche collaborative prenant en compte les différentes parties prenantes pour que personne ne se sente lésée dans le processus de transformation. Outiller la participation des salariés en entreprise et des collectifs de manière générale est un élément clé dans la réussite d’un projet de transformation interne. Mais cela nécessite de penser également à inclure les personnes moins à l’aise numériquement, en mettant en place des dispositifs de médiation numérique. L’articulation des enjeux sociaux, de santé et de performance économique est au cœur de la qualité de vie au travail. Donner des capacités d’agir à chacun, dont les salariés, au-delà des conditions sociales, économiques, politiques auxquelles ils sont confrontés, est une des promesses du potentiel émancipateur du numérique.

Outiller la participation des salariés en entreprise pour accompagner la transformation digitale

La transition numérique affecte aujourd’hui tous les métiers et tous les secteurs. Parallèlement, de nombreux outils numériques émergent pour outiller la participation de tous. Comment faire en sorte que ces deux courants convergent mieux au sein des entreprises pour contribuer à la fois à l’amélioration des conditions de travail et à une meilleure performance des organisations ? Clément Ruffier, chargé de mission Anact, nous livre quelques éléments de réponse.

Les outils numériques ouvrent de nouveaux horizons en matière de participation des citoyens à la société. Les civicTechs – civic technology – cherchent ainsi à faciliter les fonctionnements démocratiques en rendant plus visibles les processus politiques, en favorisant la transparence et la mise à disponibilité les données publiques, en soutenant la création de communautés ou de réseaux citoyens, en facilitant le financement de projets, les processus de vote ou plus généralement en aidant à la co-conception de documents ou de décisions.

 

On peut citer par exemple Loomio un outil d’aide à la décision collective, Stig qui organise les débats, le comparateur de programme Voxe, LaPrimaire.org qui visait à organiser une primaire citoyenne ou encore Fullmobs qui aide à animer des mobilisations ponctuelles.

Source : Secrétaire d’Etat au Numérique et à l’Innovation

 

Mais ce courant peut-il pénétrer l’entreprise et aider à développer la participation des salariés et des parties-prenantes – partenaires, prestataires, travailleurs indépendants, etc. ?

 

La promesse du numérique consisterait ici à construire/équiper un écosystème favorisant la délibération, la coopération et l’implication de tous, pour une amélioration des conditions de travail et une meilleure performance des organisations de travail.

 

Or pour y répondre, deux défis doivent encore être relevés :

  • faire d’avantage de place à la participation dans les processus de conception des technologies et des écosystèmes numériques qui peuplent et structurent les environnements de travail,
  • apporter les potentialités des outils technologiques et architectures numériques dans les démarches de participation mises en œuvre dans les organisations de travail.

 

Les collectifs de travail : angle mort de l’expérience utilisateur ?

 

Si l’expérience utilisateur fait désormais l’objet de préoccupations constantes dans les développements d’applications et de services, elle concerne plus spécifiquement les clients finaux mais quasiment jamais l’expérience « salariée » : c’est-à-dire des personnes qui sont impliquées dans la production desdits services. Les salariés sont souvent un angle mort des processus de conception.

 

Les méthodes agiles ont largement contribué à sensibiliser les entreprises sur la nécessité d’impliquer les utilisateurs dans leurs processus d’innovation de nouveaux produits ou services avec des boucles d’itération courtes. Néanmoins, une fois ceux-ci stabilisés, les processus de vente, pensés comme relevant de la diffusion, ne permettent plus aux usagers de bouger les cadres. Par ailleurs, on note bien souvent un manque de prise en compte de l’expérience des collectifs de travail. Tout se passe comme si, une fois que les produits ou services sont packagés, il n’existait plus de possibilités de les faire évoluer en fonction des contextes d’usages.

 

Or, la somme des usages individuels ne décrit un cadre d’usage collectif. Les entreprises achètent un produit « clé en main » qui impose une certaine construction des interactions de travail. Il paraît au contraire intéressant d’adapter les outils et les technologies choisis aux contextes d’usage, de façon à ne pas subir les transformations des organisations de travail. Il s’agirait ainsi de faire délibérément de celles-ci une occasion d’améliorer les conditions d’exercice de l’activité, de construire des environnements de travail qui soutiennent les capacités de travail et d’apprentissage en situation de travail.

 

Plusieurs questions se posent alors :

 

1)   Comment les choix technologiques sont-ils discutés en entreprise ?

L’exemple de Novial – lauréat du premier appel à projet du Transformateur Numérique – sur la digitalisation de l’entreprise est intéressant de ce point de vue. Dans un contexte de transformation interne des métiers importante dans cette entreprise spécialiste de la nutrition animale, a été mise en place une démarche très collaborative, avec des groupes par métiers qui vont faire eux-mêmes les choix relatifs à la mise en place d’une plateforme d’analyse de données d’un réseau social d’entreprise, l’installation de capteurs, l’optimisation de la communication entre services  ou encore la réduction de la pénibilité de certains postes en fonction des critères qui semblent les plus adaptés aux pratiques métiers, à la culture d’entreprise.

 

Novial, entreprise de distribution de produits de nutrition animale d’origine française.

 

2)   Comment peut-on faire de la conception collaborative ?

On peut ici prendre l’exemple du centre Erasme – le laboratoire d’innovation de la métropole de Lyon – qui organise des sessions d’idéation/prototypage en réunissant des agents de niveaux hiérarchiques différents ainsi que des externes (start-up, designer) qui travaillent sur un plan d’égalité.

 

Le numérique, boîte noire de la participation ?

 

Le lien entre participation et numérique semble encore plus fort en ce qui concerne les usages de nouveaux outils. Ouverts à tous, favorisant des modes de fonctionnement horizontaux, faciles d’utilisation, transparents, gardant trace des échanges, pouvant articuler l’asynchrone et le temps réel etc. autant de qualités attribuées au numérique et qui semblent faciliter la participation de tous les acteurs des projets et in fine leur meilleure coopération.

 

On peut ici prendre l’exemple de Pulse@work d’Empreinte humaine – lauréat du premier appel à projet du Transformateur Numérique – qui est une application digitale, accessible à tous, permettant une expression directe des salariés et des managers sur le climat des équipes de travail, la qualité de vie au travail et la qualité du travail.

 

Tamashare  – lauréat du troisième appel à projet du Transformateur Numérique – est une solution de téléconférence qui permet de partager une table virtuelle pour faciliter le travail collaboratif à distance.

 

Le concerteur – lauréat du premier appel à projet du Transformateur Numérique – est un projet expérimental artistique qui propose d’introduire un tiers désintéressé et non humain dans les échanges inter-hiérarchies afin d’améliorer l’écoute et de faciliter la participation du collectif.

 

 

Il est cependant utile de se rappeler que tous les outils numériques ne sont pas porteurs de ces principes. Et, au-delà des principes, se pose aussi la question des conditions d’usage.

 

Les outils numériques peuvent même parfois constituer des boites noires qui empêchent de fait la participation de tous sur les mêmes. De nombreux outils reposent sur des architectures inintelligibles, insaisissables ou impraticables, dès lors que ne sont pas pensés des dispositifs de traduction permettant leur compréhension pour les néophytes, voire les réfractaires aux nouvelles technologies.

 

Il arrive fréquemment que les outils opèrent une hiérarchisation et même des tris entre les contributions selon des modalités sur lesquels les utilisateurs n’ont du coup pas de prises. Ces opérations ne sont jamais neutres en ce qui concerne la place des participants, certains se trouvant alors dans des situations privilégiées vis-à-vis d’autres.

 

Dans les plateformes collaboratives, il est ainsi fréquent de distinguer des administrateurs et des contributeurs, les premiers pouvant par exemple souvent effacer les apports des seconds sans laisser de traces. Cette distinction peut créer d’importantes frustrations pour les participants d’un projet, surtout lorsque les rôles de chacun et leurs pouvoirs ne sont pas clairement établis en amont.  La relation directe qui est souvent présentée comme étant l’apanage des outils numériques visant à mettre en relation les utilisateurs d’un service avec les producteurs ou encore les différents participants d’un projet peuvent masquer au contraire une invisibilisation des intermédiations qu’ils portent. Les outils numériques peuvent ainsi parfois laisser croire à des modes de fonctionnement  horizontaux – cf. réseau social d’entreprises – quand les droits d’utilisation sont parfois très hiérarchisés.

 

Le défi des inégalités de compétences à la participation et au numérique

 

Enfin, certains analystes comme Julien Charles[1] ont bien compris que participer repose sur des compétences. Or celles-ci sont inégalement réparties. Le passage à une participation outillée numériquement peut aussi augmenter les inégalités, par exemple liées à la fracture numérique, rendant plus difficile aux acteurs les moins dotés de capitaux – notamment scolaires – de prendre leur place dans ces processus. Les liens entre participation et numérique sont donc moins clairs qu’il n’y parait de prime abord.

 

Comment profiter de potentialités des technologiques numériques, de la mise en réseau, de l’exigence de transparence, de la possibilité de contrôle réciproque, etc., pour enrichir les processus de participation dans l’entreprise ?

 

Un appel à projet sur la participation des salariés à la transition numérique

 

C’est la raison pour laquelle le nouvel appel à projet du Transformateur Numérique s’est intéressé à la participation des salariés à la transformation numérique des organisations. Faire en sorte que numérique et participation se rejoignent afin de contribuer à l’accélération de projets favorisant QVT et performance des organisations : tels sont les objectifs portés par ce dispositif.

 

[1] Julien Charles est sociologue, chargé de recherches au FNRS, chercheur au GSPM-IMM-EHESS et au CriDIS-UCL. Il a publié en 2016 « La participation en actes : entreprise, ville, association », Paris, Desclée de Brouwer.

Candidatez jusqu’au 4 janvier 2018 à l’appel à projet

Le nouvel appel à candidatures du Transformateur est en ligne !

La Transformation Numérique, un levier pour l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail ? Candidatez au 5e appel à candidatures.

Numérique, qualité de vie au travail et égalité professionnelle : quels enjeux ?

La culture et les outils du numérique et de l’intelligence artificielle induisent des transformations
profondes dans nos modes de vies et dans les organisations du travail des entreprises : transformation des activités de travail, collaborations étendues entre équipes ou entre entreprises et partenaires-prestataires, éclatement de l’unité de temps et de lieux. Ils créent également de nouveaux emplois et secteurs d’activité.

En parallèle, dans la société et les entreprises, les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes perdurent.

D’un côté, le numérique peut constituer une véritable opportunité dans la réduction des inégalités en matière de mixité des métiers, de mobilité et de parcours professionnels, d’autonomie – d’amélioration des conditions de travail et de santé au travail, d’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle pour les femmes et les hommes.

De l’autre, les usages du numérique peuvent entretenir les inégalités actuelles, voir en créer de nouvelles, compte tenu notamment des stéréotypes et représentations sociales liées aux métiers et outils du numérique : intensification, parcours plus décousus, surcharge cognitive-dispersion, problématiques de déconnexion…

Comment le Numérique peut-il faire progresser l’égalité professionnelle et l’accès à des conditions de travail de qualité pour toutes et tous, dans le secteur de l’économie numérique et au-delà ?

A qui s’adresse cet appel à projets ?

Cette 5e édition s’adresse aux organisations publiques et privées et aux actifs – associations, entrepreneurs, collectifs de travail, consultants, organisations syndicales ou consulaires, équipes de recherche, souhaitant  :

  • mobiliser la culture, les démarches et outils du numérique comme levier pour l’égalité d’accès des femmes et des hommes à la qualité de vie au travail,
  • intégrer concrètement l’enjeu d’égalité professionnelle dans leur projets de transformation numérique dans l’entreprise,
  • considérer l’impact différencié des transformations numériques sur le travail, l’emploi, le développement des compétences des femmes et des hommes dans les secteurs liés au numérique ou au-delà.

Il peut concerner :

  • un projet d’entreprise, de branche, de territoire,
  • un projet de transformation organisationnelle d’une équipe, d’un service, d’un département, d’un réseau d’acteurs…,
  • un projet de mise en place de solutions, de services, de méthodes.

Les projets proposés peuvent être à des stades de maturité différents et de nature différentes : POC (prototype) d’une application numérique, projet de recherche-action, expérimentations in vivo d’organisations du travail, d’outils ou de méthodes de conduite du changement, etc.

Pour participer à cet appel à candidature, téléchargez le dossier de candidature et uploadez-le sur le site avant le 16 février 2018.

Félicitations aux quatre lauréats du Transformateur Numérique !

A l’issue de la rencontre des quatorze postulants sélectionnés dans le cadre de la 3e session du Transformateur Numérique, l’Anact et la FING ont procédé à la sélection des 4 candidats bénéficiaires d’un accompagnement sur mesure.

Accélérer son projet

Pas moins de quatorze candidats ont en effet participé les 5 et 6 octobre à l’Accélérateur des Possibles.

Ces deux jours de rencontres, organisés dans le cadre de la troisième édition du Transformateur Numérique, les ont invité à pitcher leur projet et questionner leur faisabilité, en prenant en considération les enjeux liés à la qualité de vie au travail.

Des projets centrés sur l’accompagnement de projets professionnels, la formation et le partage de l’information, le travail à distance, la prévention des risques professionnels, l’organisation du travail et la collaboration en réseau.

A l’aide d’un feed-back réciproque et des outils déployés, chaque candidat a pu bénéficier de l’expertise de ses homologues et s’en inspirer afin de repenser son projet.

>> Consultez la vidéo réalisée les 5 et 6 octobre 2017

Un accompagnement sur mesure

Suite à ces deux journées d’échange et au renvoi par les candidats d’une présentation revisitée de leur projet, quatre porteur de projets ont été retenus, parmi lesquels :

  • Yannick Brudieux et Xavier Mazingue, dirigeants de Tamaplace, avec Tamasharesolution de visio-collaboration pour l’amélioration des conditions de travail en équipe,
  • Rémy Duboc, CTO du projet Ximodispositif d’aide au port de charges lourdes et à la manutention en général,
  • Guillaume Mesmin, expert CE et CHSCT avec Triagozoutil d’accompagnement des instances représentatives du personnel destiné à enrichir le dialogue social,
  • et Norbert Friant, responsable du service numérique de Rennes Métropole, avec le Labfabdispositif de partage d’expériences et de mutualisation des fablabs à l’échelle de la ville.

 

Le Transformateur Numérique leur donne à présent rendez-vous fin novembre afin de les accompagner dans l’élaboration de leur feuille de route.

Celle-ci leur permettra de bénéficier d’un accompagnement-conseil sur mesure, en lien avec les partenaires du dispositif.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le Transformateur numérique ? Contactez-nous !

Pourquoi vous devriez essayer de postuler au Transformateur numérique ?

Retour sur les 2 premiers appels à projet du Transformateur : quels types de projet ont été déposés et quelles structures ont postulé ?

A l’issue de la mise en ligne des 2 premiers appels à projet du Transformateur numérique et de l’accompagnement de près de 30 structures sur la 1e phase d’accélération et de 8 sur la 2e phase, un premier bilan peut être tiré sur la nature des projets sélectionnés. Ils sont de 3 types :

  • Les projets de transformation organisationnelle : c’est la cas de Novial une entreprise d’aliment pour animaux dont le numérique a d’abord transformé la relation client avant que l’entreprise décide de ne pas subir la transformation numérique en interne, mais de mettre ses salariés au centre, pour une transformation réussie ; mais aussi de Carewan qui propose un accompagnement spécifique aux managers d’entreprise intermédiaire sur des thématiques comme le droit à la déconnexion ou l’intergénérationnel.
  • Les outils, plateformes, logiciels : par exemple DayTripper est une application pour valoriser les compétences d’une personne par le biais d’histoires composées de photos ; Mailoop est un service pour améliorer l’usage de l’email en entreprise de façon continue, en faisant un retour sur chaque email reçu (ton de la personne, perception de l’intention) ; Mental Performance Score est un outil d’écologie mental ; ou encore SmarterTime aide à mesurer son temps et potentiellement à mieux s’organiser.
  • Les projets de recherche-action : par exemple l’Institut d’oncologie Claudius Rigaud a décidé de travailler sur la question du télétravail et de la mise en place d’outils collaboratifs pour améliorer l’efficience de son collectif.

Les structures postulantes au Transformateur numérique sont donc également très différentes. Ça va de la start-up désirant améliorer son projet (notamment sur les aspects de qualité de vie au travail) ou trouver des entreprises souhaitant expérimenter leur solution, à la structure comptant plusieurs centaines de personnes et ayant des problématiques de prise en compte des transformations du travail du fait du numérique ; en passant par les agences intermédiaires accompagnant un certain type de public (des managers, des établissement médico-sociaux, mais aussi des personnes en reconversion, comme c’est le cas pour Act’Eure pour l’emploi et son projet EVA qui cherche à améliorer le bien-être social des personnes en parcours d’insertion socioprofessionnelle et la qualité de vie au travail de leurs accompagnateurs).

Tous ces exemples montrent la variété des thématiques, des acteurs, des projets qui peuvent bénéficier de l’expertise du Transformateur. Et au-delà de l’aide individuelle sur chaque projet, les journées d’accompagnement permettent aux porteurs de projet de se rencontrer, d’échanger et de se rapprocher. C’est le cas d’Act’Eure pour l’Emploi et de DayTripper, le premier ayant décidé d’utiliser la solution du 2e pour mieux valoriser les compétences des personnes en réinsertion.

Le nouvel appel à projet du Transformateur a été mis en ligne le 8 juin, vous avez jusqu’au 6 septembre, midi, pour postuler, n’hésitez pas à tenter votre chance !

Participez au workshop « Droit à la déconnexion », organisé par Carewan

Dans le cadre de son projet e-TI, Carewan organise un premier atelier sur le droit à la déconnexion le 15 juin de 9h à 16h30.

Dans le cadre de son projet e-TI (dont l’objectif est de créer une communauté de managers inter-entreprises basée sur les principes de collaboration et d’ouverture), Carewan organise un premier atelier sur le droit à la déconnexion. Le programme est décrit ci-dessous :

Pour plus d’informations et/ou si vous souhaitez participer, vous pouvez contacter Pauline Rochart de Carewan.