Quand la culture numérique invite à repenser autrement l’organisation du travail

Retour sur deux projets du Transformateur montrant la façon dont le numérique permet de repenser les organisations du travail, via plus de participation des salariés.
La deuxième session du transformateur abritait deux projets exemplaires sur la manière dont le numérique peut inciter à repenser les organisations du travail, invitant à la participation des salariés.
Il s’agit tout d’abord des « copeaux numériques », un tiers-lieu axé sur le travail du bois et la fabrication numérique qui sera lancé cet été à Grand Quevilly dans la banlieue de Rouen. Ce lieu ouvert dans lequel les adhérents peuvent venir travailler, bricoler, s’amuser, entreprendre… se pense comme un lieu d’apprentissage, et d’acquisition de savoir-faire au cœur d’espaces collaboratifs : un atelier le travail du bois (avec scie à format, dégauchisseuse, raboteuse, scie à ruban, toupie, perceuse sur colonne etc.), un Fablab (laboratoire de fabrication numérique), des espaces de co-working, des ateliers et bureaux privatisables et un café culturel. Il est équipé aussi bien d’imprimante 3D que de machine à commande numérique donnant ainsi accès à tous aux outils de production qui leur sont nécessaires.
Les « copeaux numériques » accueillera une grande mixité d’utilisateurs (bricoleurs, artistes, artisans, architectes, designers, salariés, retraités, inactifs etc.). Ces derniers ont été invités très en amont au travers d’une association de préfiguration à participer la conception du tiers lieu pour exprimer leurs besoins et leurs attentes. Cette dernière sera maintenue à l’ouverture du site pour continuer à co-enrichir le projet global.
Si les tiers-lieux sont porteurs de profonds changements dans la manière dont leurs utilisateurs organisent le travail, celui-ci a également conduit à repenser l’organisation au sein de l’équipe de professionnel. En effet, pour être en cohérence avec leur valeur, les quatre salariés ont choisi de créer les « copeaux numériques » sous la forme d’une société coopérative et participative (SCOP) garantissant ainsi la participation de tous aux instances de gouvernance. Au delà de celles-ci, l’objectif est de développer des espaces de dialogue entre professionnels mais également entre ceux-ci et le public pour favoriser la collaboration entre les projets et mieux concevoir les espaces de travail.
Le second exemple est celui du partenariat entre Urban Prod, association dont l’objet est de favoriser l’insertion des jeunes grâce aux outils informatiques, et l’institut de formation et de recherche en travail social (IRTS Paca Corse) dont le rôle est de former les travailleurs sociaux. Ce partenariat vise à créer un social-lab afin d’expérimenter d’autres manières de travail autour du numérique.
Les formateurs de l’IRTS ont, en effet, vu leurs pratiques professionnelles largement bousculées par l’arrivée du numérique. La possibilité de donner des cours hors présentiel (MOOC, plateformes de e-learning, modules multimédias etc.) bouscule un peu une professionnalité fortement construite autour du lien créé entre stagiaires et formateurs. La décision de la direction de l’IRTS de développer une offre de formation s’appuyant sur ces nouveaux outils oblige à repenser les pratiques métiers et l’organisation du travail.
Le partenariat avec Urban Prod qui a une grande expérience de l’utilisation des outils numériques à des fins de formation vise à construire une représentation collective du numérique avec les équipes. Le laboratoire qui fonctionne comme un living lab a pour objectif d’expérimenter des bonnes pratiques et de mettre en œuvre une dynamique de recherche et développement autour de ces sujets.
Cette dynamique interroge ainsi également les modalités de gouvernance des structures avec une réflexion sur la participation des salariés. Là encore, l’expérience d’Urban Prod, structure plus petite, habile, habituée à fonctionner en mode projet et dans laquelle les décisions sont généralement prises au consensus vient nourrir la démarche. Néanmoins, les participants du social-lab s’inspirent également d’autres modèles tels que la sociocratie, l’holacracy ou encore l’entreprise libérée pour définir un mode de fonctionnement qui leur soit propre.
Clément Ruffier