Pas de deux chez Catalyst : « Le Bal ! », un facteur commun

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Entretien avec Claire-Marie Mériaux et Carmen Rouchet, membres du collectif Catalyst et bénéficiaires de la 8e édition du Transformateur organisé sur le thème des communs en juin 2018.

Claire-Marie Mériaux est une des fondatrices de POP, une société spécialisée dans le design de service autour de l’innovation sociale et numérique. Elle est aujourd’hui consultante en innovation sociale et numérique et contribue aux activités du Collectif Catalyst. Carmen Rouchet est quant à elle chargée de coordination chez POP. Ces deux Lilloises reviennent pour nous sur leur projet – « Le BAL ! Fabrique de Communs » – et leur passage par Le Transformateur.

 

Claire-Marie, Carmen, bonjour et merci d’avoir accepté cet interview. Vous êtes aujourd’hui spécialistes de l’innovation sociale et numérique. Comment votre parcours estudiantin et professionnel vous a-t-il conduit sur cette voie ?

 

Claire-Marie Mériaux : Pour ma part, j’ai étudié dans une école de commerce à Toulouse, puis j’ai travaillé durant plusieurs années chez un fabriquant de linge de maison afin d’en développer la clientèle. J’ai ensuite intégré la direction de la relation client d’un grand groupe international de vente à distance. Je rencontrais les comités de direction de grandes sociétés : c’est là que j’ai découvert ce qu’était l’innovation sociale, le design de services, et que je me suis mise à placer l’usager au centre de mes projets.

Grâce à cette expérience très enrichissante, j’ai eu l’opportunité de monter une start-up : il s’agissait de la première Marketplace française conçue pour les jeunes créateur de mode ! Les réseaux sociaux commençaient tout juste à émerger et j’ai réalisé qu’il devenait possible pour un petit créateur de vendre ses productions directement, sans intermédiaire.

Six ans après, je suis entrée dans l’écosystème lillois de l’innovation sociale en expérimentant la co-gestion et l’animation d’espaces de coworking – le Mutualab notamment. J’ai également intégré Catalyst, un collectif d’acteurs locaux réunit autour d’un laboratoire citoyen de recherche, cherchant à dynamiser l’innovation sociale par le numérique. C’est au sein de cet écosystème que j’ai rencontré ceux qui sont devenus mes associés pour créer POP. Carmen a alors rejoint l’équipe et a porté avec moi le projet « Le Bal ! Fabrique des communs ».

 

Carmen Rouchet : J’ai d’abord réalisé des études en communication avant de me spécialiser dans le développement territorial. J’étais passionnée par les problématiques liées à l’utilité sociale et les manières innovantes d’y répondre. J’ai ensuite étudié à l’IAE – une école universitaire de management – afin de me spécialiser dans la gestion de projets et la gestion économique des organisations. Cela fait trois ans que je travaille chez POP : je suis à la fois formatrice, facilitatrice et consultante.

 

 

Comment l’idée du « Bal ! » vous est-elle venue ?

 

Claire-Marie Mériaux : Les communs sont un sujet sur lequel l’écosystème Lillois de l’innovation sociale réfléchit depuis pas mal d’années. Le collectif Catalyst veille et expérimente sur ce sujet, à la manière d’un laboratoire de palpation des courants. Après plusieurs années, nous avons ressenti le besoin de travailler sur des communs concrets, tangibles, partageables ; des communs incluant l’expérience des entreprises.

J’ai alors réalisé un book sprint de deux jours, qui a abouti sur la création d’un cahier d’activités des tiers-lieux. Ce livret aide les personnes ayant pour projet de développer un tiers lieu – qu’il s’agisse d’un espace de coworking, d’un fablab, etc. – à se poser les bonnes questions et à partager leur vision avec l’ensemble des parties prenantes, afin que le lieu ressemble à l’inspiration du plus grand nombre. Il propose par exemple – à travers des questions, des exercices, des petits jeux – de mieux cibler les publics, les usages, l’identité du lieu. C’est un peu comme un cahier de devoirs de vacances.

On s’est vite rendu compte à quel point il était précieux de disposer de ressources de ce type, concrètes et partageables avec d’autres personnes, pour faciliter le travail collaboratif. Il nous fallait un cadre pour donner vie à d’autres productions de ce type. C’est pour cela que l’on a créé « Le Bal ! » – qui veut dire « lab » en lettres inversées. Nous voulions créer un laboratoire permettant de fabriquer collectivement et de manière agile des ressources partageables.

L’idée était également d’amener la culture des communs au sein des organisations, par l’expérimentation et la création rapide de prototypes de ressource en communs, à diffuser et à partager. Pour ce faire, nous avons fait appel aux méthodes du design thinking et aux pratiques issues de la co-conception. Nous organisons à la demande des sessions de type « résidence d’artiste » sur deux temps de trois à cinq jours. Nous réfléchissons par exemple à la manière de favoriser l’appropriation d’un lieu en commun, à la création des usages, ou bien encore à l’élaboration de nouveaux modes de collaborations et de partage de la valeur.

 

 

Qu’est-ce qui vous a amené à candidater au Transformateur ?

 

Carmen Rouchet : nous avons eu connaissance du dispositif via l’appel à projets du Fact – le fonds pour l’amélioration des conditions de travail – sur le thème des innovations organisationnelles et managériales, dans lequel nous étions engagées. Nous avions lancé en interne un certain nombre d’expérimentations, notamment sur le thème de la gestion du temps de travail. La thématique des communs portée par le Transformateur nous intéressait. C’est un sujet émergent et on voulait en être, pour partager notre vision des communs au travail, nous nourrir des échanges avec les autres candidats et booster notre projet.

 

 

Qu’est-ce que cette rencontre vous a apporté ?

 

Carmen Rouchet : Cela nous a permis de booster la vision que l’on avait des communs, en l’envisageant d’une manière beaucoup plus large, beaucoup plus inclusive que ce que l’on pouvait déjà porter. Concernant « Le Bal ! », notre approche des communs est avant tout méthodologique. Elle porte sur le fait de créer un objet ensemble et de partager une démarche collective qui fasse sens pour tout le monde. Le Transformateur nous a permis de rencontrer des porteurs de projets qui travaillent davantage sur des solutions techniques de partage de communs, ou bien de mise à disposition de ressources en commun. Ces approches-là nous ont permis de prendre du recul sur nos pratiques. C’était très enrichissant de croiser différents regards sur la question. Ces temps-là sont toujours assez exceptionnels. Ils nous ont contraints à réactualiser une manière de penser que l’on trouvait jusqu’ici très logique, et sur laquelle nous ne prenions plus le temps de mettre des mots. Confronter nos idées à d’autres regards, à d’autres cultures, à d’autres méthodologies nous a permis de faire mûrir notre projet.

 

Claire-Marie Mériaux : Ce que je retiens le plus, ce sont les moments d’échanges. J’ai un très bon souvenir de l’exercice réalisé à l’aide de l’ADN project tool, cet outil de mind mapping qui permettait à tout le monde de se poser les bonnes questions quant à l’organisation du travail, aux relations de travail, etc., et d’aller chercher très loin les réponses et de faire fleurir le projet dans ses recoins les plus lointains.

 

 

Comment « Le BAL ! » envisage-t-il le partage de la valeur – qu’elle soit pécuniaire ou non – au sein d’un projet ?

 

Claire-Marie Mériaux : Le partage de la valeur fait partie intégrante de nos réflexions actuelles ; et « Le Bal ! » nous a justement permis de nourrir ce sujet-là. Cette fabrique de biens communs nous a amené à réfléchir à la façon de préserver la ressource dans le temps de la prédation d’un acteur qui ne respecterait pas les règles, de la développer et de faire en sorte que les contributeurs puissent bénéficier des fruits de leur contribution. De ces réflexions est né un projet baptisé « L’Agence de l’aventure et de l’inattendu ». Il consiste en l’intervention – au sein d’un projet centré sur la création d’une ressource en commun – d’un tiers neutre, garant de la répartition de la valeur. Ce projet est en cours de développement. Il nous permet de poursuivre la réflexion amorcée dans le cadre du Transformateur et constitue un excellent complément au « Bal ! ».

 

Avez-vous d’autres projets dans vos cartons ?

 

Carmen Rouchet : Chez POP, nous sommes toujours en contact avec l’ARACT Hauts-de-France, qui nous a accompagné dans la mise en place du projet Fact. Nous sommes également entrés en contact – par l’intermédiaire du Transformateur – avec la Métropole européenne de Lille et avons pu échanger avec un interlocuteur spécialiste des communs autour de nos projets. Nous souhaitons à présent renforcer notre méthodologie en matière de communs et d’amélioration de la qualité de vie au travail. Nous recherchons des partenaires publics afin de donner davantage d’ampleur au « Bal ! », ainsi que des partenaires privés pour l’expérimenter. Nous souhaitons rencontrer les directions de grands groupes ayant déjà une appétence pour les communs, qui soient prêts à vivre une nouvelle expérience avec nous.

 

Claire-Marie Mériaux : Nous souhaitons également rencontrer les directions de grands groupes qui souhaiteraient innover dans leurs méthodes et usages.  Grâce au « Bal ! », nous pourrions faire naître leur appétence pour les communs, par la pratique.

 

Si un candidat potentiel vous demandait une seule et bonne raison de participer au Transformateur ?

 

Carmen Rouchet : Ce sont les rencontres et les échanges de ces deux journées ; et le regard bienveillant porté sur notre projet, que nous livrions dans sa version la plus brute.

 

Claire-Marie Mériaux : Idem ; cela m’a fait du bien de passer ces deux jours avec les animateurs du réseau Anact-Aract, de la Fing et de leurs partenaires. C’était une espèce de petite bulle bienfaitrice.

 

 

Pour en savoir + sur « Le Bal ! » et « l’Agence de l’aventure et de l’inattendu » :

 

http://catalyst-initiative.org

http://inattendu.cc/