L’agilité… c’est compliqué !

Pour que les structures deviennent « agiles » et se libèrent des pesanteurs du management, faut-il changer le management ou ses outils ? Retour sur les conférences USI par Hubert Guillaud.

Cet article est un extrait de l’article, écrit par Hubert Guillaud, initialement publié sur InternetActu.net.

Signe des temps, l’une des grandes questions qui agitait les présentations plus business de la dernière session des conférences USI, n’était plus tant de réussir la transformation numérique des entreprises que de devenir « agiles », de se libérer des pesanteurs du management. Mais comment changer le management ? Peut-on changer le management sans changer les outils qui sont les siens ? Ou faut-il d’abord changer d’outils pour changer de management ?

Mettre fin aux budgets !

Visiblement, pour Bjarte Bogsnes, c’est l’inefficacité et l’inadaptation des outils utilisés par le management actuel qui permettent de remettre en cause le management traditionnel. Bjarte Bogsnes (@bbogsnes) travaille à Statoil, la compagnie pétrolière norvégienne. Il est responsable du développement de la gestion de la performance. Mais il est surtout connu pour animer le réseau Beyond Budgeting, un réseau d’entreprises qui invitent d’autres organisations à abandonner la gestion par le budget, comme elles l’ont elles-mêmes fait.

Tout comme l’humain en vieillissant, beaucoup de grandes entreprises deviennent rigides en grandissant. Mais si en tant qu’humains, nous n’avons pas beaucoup de moyens pour y remédier – hélas ! – ce n’est pas le cas des organisations. Ce n’est pas parce qu’une entreprise grossit qu’elle doit devenir bureaucratique. Les entreprises doivent trouver comment rester flexibles tout en gardant les bénéfices de leur développement. Comment rester grandes et petites à la fois ? C’est tout l’enjeu des organisations qui se transforment, estime Bjarte Bogsnes.

Le grand professeur de management, Peter Drucker, expliquait avec ironie que ce que nous appelons management consiste le plus souvent à trouver des solutions pour rendre toujours plus difficile la possibilité de faire son travail. Si l’innovation technologique fonctionne bien, l’innovation managériale, elle, patine. S’y confronter fait peur. En fait, dans les entreprises, elle est bien moins dotée que l’innovation technologique. « Beaucoup de monde s’occupe d’innovation technologique, mais bien peu s’occupent de l’innovation en management ». C’est bien souvent le rôle de consultants externes… que l’on consulte sans qu’ils apportent réellement de grandes innovations. « C’est pourtant un endroit où des entreprises courageuses peuvent trouver les moyens d’étendre leur performance et atteindre un avantage compétitif sur bien de leurs concurrents ». Car pour Bogsnes, l’enjeu de l’innovation managériale n’est pas de mettre en place un outil de communication pour faire moderne, mais consiste à utiliser un réel levier pour agir sur la performance économique des entreprises.

L’un des exemples emblématiques des outils de pilotage du management, c’est le budget. Un outil assez aride, qui, par nature, rend difficile toute agilité. Cet outil de pilotage, assez lourd, semble souvent indépassable. Pourtant, les critiques qui lui sont adressées sont nombreuses : il consomme beaucoup de temps, les hypothèses qu’il intègre sont très rapidement dépassées, il ne permet de faire presque aucun lien avec la stratégie de l’entreprise, il créé une forme d’illusion de contrôle alors qu’il entérine des décisions prises trop tôt ou trop ambitieuses par rapport à la réalité. Il donne souvent une prévision de l’activité par à-coups focalisant les résultats sur l’année suivante plus qu’un contrôle continu, tout en étant un mauvais outil d’évaluation de la performance. Pour Bjarte Bogsnes, chacun de ces problèmes est irritant… mais ils sont aussi le symptôme d’un problème plus large. Pour lui, il faut passer à quelque chose de plus intelligent et plus souple. Si le budget, inventé il y a plus d’un siècle par James McKinsey, le fondateur de la firme de consultants du même nom, l’a été certainement avec les meilleures intentions, il n’est plus aujourd’hui un outil efficace et performant. « Le budget est devenu plus une barrière qu’un support pour améliorer la performance des organisations. »

Comment mesure-t-on la performance ? Comment créé-t-on ce que chacun souhaite, à savoir avoir une bonne expérience du travail qu’on réalise ? Bogsnes compare la mesure de la performance au travail à celle du trafic routier ? Qui est en contrôle du trafic ? À partir de quelle information ? Est-ce une information sur le trafic routier en temps réel ou pas ? Comment créer un flux optimal, fluide et sûr ? On peut mettre des feux tricolores ou des ronds-points pour fluidifier les noeuds du trafic ? Lesquels sont les plus efficaces ? En plein milieu de la nuit, sur une route vide, le feu ne va pas vous paraître un outil très performant de fluidification du trafic. Leur alternative, les ronds-points, offre une réponse très différente tout en répondant aux mêmes enjeux. Ici, ce sont les conducteurs qui sont en contrôle, depuis l’information dont ils disposent en temps réel. « D’un point de vue managérial, les deux solutions sont efficaces. Mais elles ne portent pas les mêmes valeurs et induisent des formes de confiance très différentes envers les usagers. » Pour Bogsnes, cela montre qu’il y a un choix qui préside à la forme de management pour laquelle vous optez. Elle peut être basée sur les valeurs ou basée sur les règles.

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