Comment bien mener un projet de transformation interne ? Ce que le Transformateur nous apprend.

Une soixantaine de projets sont passés par le Transformateur numérique depuis son lancement, voilà quelques retours sur ce que nous avons appris pendant les sessions d’accélération.

Le numérique et les évolutions technologiques induisent des transformations profondes dans les organisations de travail : transformation des métiers et de l’organisation du travail, collaborations étendues, éclatement de l’unité de temps et de lieux, changements de la relation client etc. La transformation numérique des organisations vise plusieurs enjeux : devenir plus agile, innovant, efficace ; s’intégrer à des réseaux et des écosystèmes pour renforcer la coopération et développer l’intelligence collective ; réinventer la relation client et améliorer l’expérience utilisateur ; exploiter les données pour avoir une meilleure connaissance de son environnement ou optimiser des process ; … le tout en prenant en compte les conséquences dans l’organisation du travail quotidien des salariés et leurs conditions de travail.

Dans le cadre du Transformateur numérique, nous avons accompagné un certain nombre de porteurs souhaitant mener un projet de conduite du changement, de transformation numérique interne, d’innovation managériale : adapter les espaces de travail, ouvrir un incubateur qui associe clients et partenaires sociaux, se servir du numérique pour mettre en œuvre une offre de service qui tire l’organisation, expérimenter de nouveaux outils numériques au service d’entrepreneurs- salariés d’une coopérative, équiper des salariés de nouveaux outils numériques pour faciliter la collaboration entre les services et la coproduction sur des projets transverses, se doter d’une flotte de smartphones afin de réduire les aléas dans l’organisation du travail et les tensions qui surviennent entre les salariés nomades, utiliser les outils numériques actuels pour permettre de travailler à distance, développer une application pour fluidifier le travail collectif et renforcer l’autonomie, …

Ces projets de transformation interne peuvent rencontrer des difficultés dans leur déploiement pour plusieurs raisons : conduite de changement mal menée, gouvernance insuffisamment claire, manque d’adhésion des salariés et/ou des utilisateurs, outils ne répondant pas suffisamment aux besoins des salariés et/ou des utilisateurs, manque de relai managérial, manque d’interactions entre les services, déficit de communication, entre autres.

Les sessions de deux jours d’accélération du Transformateur numérique ont pour objectif d’éviter ces risques et d’aider les porteurs à avoir un autre regard sur leur projet en identifiant les points d’amélioration, notamment sur les aspects de qualité de vie au travail (organisation du travail, santé, performance, relation de travail, …). Les retours des participants nous ont ainsi permis de voir les changements qui sont intervenus dans les projets suite à notre intervention et d’identifier 4 grands types d’amélioration dans la conduite du projet :

Renforcement du projet avant sa mise en pratique

  • Enrichir la réflexion : identification des acteurs et parties prenantes, mise en place de groupes de travail mixte ou transverses, élaboration de scénarios d’usage, définition des critères d’éligibilité des salariés concernés.
  • Analyser les attentes, perceptions et besoins des différentes parties prenantes (patients, clients, usagers, salariés, …) dans le cadre d’une démarche plus collaborative, parfois avec l’aide d’un tiers (designer, consultant).
  • Prioriser les axes de développement du projet (rester ouvert aux différentes possibilités de développement, sans s’épuiser à courir 2 lièvres)
  • Analyser les besoins en compétences nécessaires à la transformation.
  • Définir des indicateurs (coût, temps de connexion, satisfaction, performance, gains, risques, santé au travail, …), qui deviendront dans le temps les points de référence dans l’évaluation de la démarche.
  • Enrichir la démarche par des étapes structurantes, avec parfois la nécessité de décaler certaines étapes pour une meilleure appropriation du projet par les parties prenantes.

Expérimentation

  • Expérimenter des usages, des méthodologies ou des services avant de l’étendre éventuellement à l’ensemble de la structure.
  • Allonger la durée des tests  pour avoir des retours plus nombreux.
  • Location de matériel plutôt qu’achat.
  • Mettre en place une démarche de transformation des pratiques plutôt que choisir un nouvel outil.

Communication

  • Bien préparer la communication institutionnelle pour montrer la volonté de la direction de s’engager dans la transformation interne.
  • Communiquer au fur et à mesure de l’avancement des étapes, en mettant en avant les petites victoires, parfois par des moyens légers (organisation de « cafés digitaux » par exemple).
  • Rendre facile et ludique le process pour faciliter l’appropriation des sujets : échange informel de savoirs, approche par la motivation.

Renforcement du projet en cours de route

  • Former les salariés, les sensibiliser au numérique, avoir une nouvelle culture d’entreprise commune.
  • Faire évoluer les postures managériales (partage de l’information, potentielles différences de pratiques en matière de délégation, rapport à « l’horizontalité » et à la « transversalité »).
  • Créer un poste de « le coach mission » pour aider les salariés à appréhender les changements et utiliser les outils mis en place.

A ces quatre leviers d’amélioration des projets de transformation internet, il y en a un cinquième : la coopération. La coopération en interne, bien sûr, mais aussi entre projets, au sein même du dispositif du Transformateur numérique. Parfois, des porteurs de projets, qui se sont rencontrés lors des deux jours d’accélération, ont décidé de s’associer pour les aider à porter une autre vision, un autre positionnement, ou utiliser un autre outil (un acteur en accompagnement à la réinsertion professionnelle a utilisé un service de valorisation de ses compétences sous forme de photos, par exemple). D’autres ont eu besoin de faire intervenir des tiers ou d’élargir les partenariats pour mener à bien leur réflexion et leur projet (un cabinet de conseil alternatif a pensé son projet en mode « ouvert », par exemple).

Il n’y a pas de recette miracle pour mener à bien un projet de transformation interne, quelque soit le type de structure (privée/publique, pme/grande entreprise, start-up/entreprise traditionnelle, agriculture/industrie/service, …). Le constat que l’on fait au sein de la Fing et l’Anact, au-delà des quelques remarques évoquées ci-dessus, est de toujours penser « usages » avant « outil », c’est-à-dire de penser les utilisations, les besoins auxquels doit répondre le nouvel outil ou service, avant son achat ou son déploiement. Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place une démarche collaborative prenant en compte les différentes parties prenantes pour que personne ne se sente lésée dans le processus de transformation. Outiller la participation des salariés en entreprise et des collectifs de manière générale est un élément clé dans la réussite d’un projet de transformation interne. Mais cela nécessite de penser également à inclure les personnes moins à l’aise numériquement, en mettant en place des dispositifs de médiation numérique. L’articulation des enjeux sociaux, de santé et de performance économique est au cœur de la qualité de vie au travail. Donner des capacités d’agir à chacun, dont les salariés, au-delà des conditions sociales, économiques, politiques auxquelles ils sont confrontés, est une des promesses du potentiel émancipateur du numérique.