Transformation numérique & formation, vers une nouvelle organisation du travail

  • Enjeux

Depuis deux ans maintenant, les acteurs de la formation ont dû s’adapter à une crise sanitaire sans précédent. En réaction aux impératifs de distanciation sociale et de télétravail, ils ont dû se réinventer, renouveler leur offre pour s’adapter aux nouveaux besoins et expérimenter de nouvelles modalités de mise en œuvre.

Les effets de la crise dans le secteur de la formation 

Les exigences de la crise sanitaire ont accéléré un mouvement de fond antérieur à cette crise dans le milieu de la formation professionnelle : celui d’une mutation substancielle des demandes clients quant à une offre de formation intégrant davantage les nouvelles technologies de l’information et de la communication ( NTIC). La visio-conférence, l’ e-learning, la classe virtuelle, le MOOC et le SPOC, sont à présent entrés dans les usages.

Pour s’y adapter, les organismes de formation ont dû repenser leur ingénierie, mobiliser des outils numériques jusqu’alors inexploités ou peu utilisés, et transformer partiellement ou intégralement leur offre. 

Ces adaptations multiples ont profondément modifié leur activité :

Sur le plan numérique, avec la démultiplication des outils utilisés – et pas toujours inter-opérables, contribuant à une augmentation de la charge cognitive -, le besoin d’acculturation des équipes aux nouveaux outils de gestion internes, aux nouveaux outils de formation eux-mêmes ; l’acculturation des stagiaires à ces mêmes outils, l’équipement informatique à aménager et sa gestion technique ; 

D’un point de vue de la distance et du temps, avec l’adaptation aux demandes hétérogènes du client – « sur site » ou « à distance » – et la diversification des formats – hybrides, blended, synchrones et asynchrones -, la réduction de la durée des temps de formation pour limiter la fatigue visuelle liée au travail prolongé sur écran, l’articulation des temps de vie ;

D’un point de vue sanitaire, avec la gestion en temps réel du risque, l’adoption de protocoles spécifiques sur sites ;

– Sans oublier sur le plan administratif, d’éventuels changements dans le traitement du dossier stagiaire et les comptes à rendre au financeur, les modalités de traçabilité qui évoluent, la récupération des pièces et justificatifs à distance qui viennent modifier l’activité des métiers administratifs ;

Sur le plan relationnel avec l’évolution des modes d’interaction : la collaboration entre collègues, le lien avec les stagiaires – notamment la création d’une cohésion de groupe et la capacité à assurer le suivi individuel ;

D’un point de vue pédagogique : le maintien des objectifs, de l’attention des participants, l’acquisition des compétences et leur évaluation, la réponse aux enjeux de satisfaction de la clientèle et des financeurs.

– Enfin, sur le plan managérial et RH, avec le repositionnement de l’activité, l’éventuelle redéfinition des postes, la formation et le recrutement, mais aussi la régulation, l’appui et l’animation à distance des équipes pour réguler la charge, maintenir le collectif, informer, apporter feedback et reconnaissance.

Une opportunité pour améliorer la qualité de vie au travail ?

Mieux travailler demain dans le secteur de la formation, c’est partir des actions concrètes élaborées durant la crise et interroger la façon dont ces adaptations peuvent améliorer la qualité de vie au travail. C’est notamment questionner l’activité de travail, l’organisation, le management, le fonctionnement du collectif…

Grâce à ses équipes composées d’ergonomes, de sociologues, de psychologues du travail et de spécialistes de la culture numérique, le Transformateur vous propose de prendre du recul sur vos pratiques pour mieux concilier qualité de vie au travail des équipes et performance de l’organisation.

Candidatez à la 17e édition du Transfo spécial Formation !

Un article co-écrit par Elise Fosset Lagoszniak, Anne Kiritze-Topor et Alix Tarrare.

Transformateur Normand – retour sur l’Afterwork

  • Enjeux

Assia Milan, chargée de mission à l’Aract Normandie, organisatrice du Transformateur Normand saison #1, revient sur l’Afterwork organisé le 27 juin 2019 en compagnie des porteurs de projets ayant participé à l’Accélérateur des Possibles.

L’afterwork : une occasion pour échanger sur les avancées des projets

Participer au Transformateur Numérique Normand, c’est non seulement avoir l’occasion de faire grandir son projet pour mieux y intégrer la qualité de vie au travail durant deux jours d’accélération, mais c’est également une mise en réseau, des temps de suivi et d’échange en continu avec des pairs et les partenaires nationaux et régionaux du projet.

Parce que l’aventure de la transformation numérique et des enjeux de qualité de vie au travail n’est pas une histoire écrite d’avance, se retrouver à échéances régulières afin de partager ses avancées, faire part de ses doutes, se tenir informé des actualités et rencontrer des partenaires est essentiel.

Le 27 juin dernier, à l’invitation de l’Aract Normandie, plusieurs porteur·euse·s de projet se sont donc retrouvé·e·s à la Cantine numérique à Seine Innopolis à Rouen, accueillis par NWX, partenaire du Transformateur normand.

 

 

L’équipe des marraines et parrains des projets, composée de la Fing, l’Anact, l’Apec Normandie et des chargés de mission de l’Aract Normandie étaient présents pour accueillir les porteur·euse·s de projet et travailler avec chacun·e d’entre eux·elles sur l’avancée de leurs projets au cours des six derniers mois, ainsi que les enjeux de qualité de vie au travail – QVT – qu’ils·elles avaient retenu depuis l’Accélérateur des Possibles.

Après ce temps préparatoire, chacun·e a pitché son projet, présenté les avancées de celui-ci depuis l’Accélérateur et leurs enjeux QVT, face aux différents partenaires dont l’Agence de Développement pour la Normandie et NWX.

 

Focus sur les projets : que sont-ils devenus ?

Le Café des images - 40 ans, et demain ?

Elise Mignot et Hélène Devique ont fait part, en tant qu’exploitantes de cinéma, des enjeux du développement de nouvelles activités – restaurant et tiers-lieu –  et de la mutation très forte liée au numérique et à l’évolution du monde du cinéma. Après une période tendue en 2017, une question centrale se pose : comment mieux travailler ensemble ?

Sujet clivant, l’outil numérique était un prétexte pour constituer une base de dialogue. Le Transformateur a alors constitué un dispositif opportun, dans le même temps qu’un accompagnement financé le Fonds pour l’Amélioration des Conditions de Travail (FACT) était mené.

Le Transformateur a ainsi permis de travailler sur les outils collaboratifs et les outils numériques afin de faciliter le travail. La principale prise de conscience a été que l’outil ne remplaçait pas le besoin de se parler et d’échanger, et qu’il n’y avait pas d’autres solutions que d’investir sur ces temps d’échange entre équipe, malgré le coût que cela pouvait représenter.

Plusieurs outils numériques ont depuis été mis en place, ainsi que des réunions hebdomadaires et un séminaire réunissant l’ensemble des équipes. De nouvelles idées sont apparues pour faire face aux mutations. Le rapport au travail et aux autres se sont améliorés, avec un sens du collectif et un réel mieux travailler ensemble. Le Café des Image candidatera certainement au dispositif RH TPE de la Direccte pour continuer à être accompagné sur certains aspects RH.

www.cafedesimages.fr

@lecafedesimages

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Interrlab - Agents actifs

Sophie Noël et Richard Turco, dont le projet consiste en la création d’une activité de conseil sur la transformation numérique à destination des collectivités territoriales en associant les décideurs et les agents, ont indiqué que « depuis le passage au Transformateur, la qualité de vie au travail était devenue un élément fort de leur méthodologie d’intervention ».

Plusieurs pistes sont actuellement testées dans le cadre du développement de leur projet, telles que la prise de contact avec des collectivités sensibles à la transformation numérique, des échanges avec des têtes de réseau tel que le Pôle TES, ou le travail avec une start up sur la démocratie participative.

www.interrlab.fr

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Kudify – Créer les conditions du sens au travail

Guillaume Lainé a rappelé que le projet était centré sur l’expérience collaborateur, l’accompagnement et l’aide aux managers, via des apports d’outils et méthodes, d’écoute et également d’une application qui leur permet d’échanger entre eux, de relever des challenges et d’en proposer à d’autres – entre autres fonctionnalités.

Parmi les actions menées depuis la participation à l’Accélérateur en décembre 2018, une formation sur l’intégration -« onboarding » – a été animée. Une première version de l’application est proposée à des clients choisis gratuitement pour mettre à l’épreuve le logiciel afin de le tester d’ici la fin d’année 2019.

Guillaume indique que l’idée est de « faire en sorte les ressources humaines soient perçues comme un investissement et non un coût » : tout l’enjeu est alors de s’extraire d’une approche strictement réglementaire, notamment dans les entreprises en croissance qui voient l’arrivée de nouveaux managers. Pour d’autres entreprises, cela sera de sortir de l’aspect « QVT gadgets » pour voir cela comme un outil de vrai bien-être et d’amélioration du travail.

www.kudify.com

@kudify

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Plus d'adéquation - P@sseRHelle

Rebecca Vermuse-André et Laure-Lyne Haudrechy ont présenté le projet P@sseRHelle : un outil et une démarche permettant de favoriser la mobilité entre les métiers, avec des cibles telles que les acteurs du territoire, de l’emploi, des organismes sectoriels comme les OPCO et les branches, ainsi que toute entreprise, des TPE-PME aux plus grandes.

Depuis le Transformateur saison #1, un financement a été obtenu via la Banque Publique d’Investissement – BPI – et le développement de l’outil a débuté. Les consultantes ont partagé le fait que « le passage par le Transformateur a permis d’approfondir la notion de QVT dans la façon d’implanter l’outil, avec la question : comment venir aider la politique QVT des structures grâce à l’outil, y compris dans les TPE-PME ? ». Elles soulignent également la complexité de la gestion du temps dans la conduite de projet, entre l’attente des financements, la dynamique multi-partenariale et les besoins de développement de l’outil.

 

www.plusdadequation.fr

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Normandie Collaborative - Générations collaboratives

Didier Hamel et Denis Queva ont exposé leur projet dédié aux métiers du conseil visant à la mise en œuvre d’un réseau collaboratif s’appuyant sur une plateforme numérique pour faciliter les relations, la collaboration et faire évoluer l’organisation du travail des consultant·e·s.

Depuis le précédent Transformateur, le réseau de consultant·e·s s’est élargi, la charte et les statuts de l’association se structurent et le développement de la plateforme a débuté. Des rencontres avec des organismes de portage salarial ont lieu.

Ils indiquent que les enjeux qualité de vie au travail se situent à plusieurs niveaux, dont « la rupture de l’isolement par le travail en réseau, le partage des missions et la réunion des expertises ».

 

www.normandiecollaborative.com

 


 

France Terre d'Asile - Travail social digital

Stéphane Cassiat a présenté le projet qui consiste à mettre en place un outil de suivi des projets des jeunes. L’association a effectivement pour mission l’accueil de mineurs pris en charge par la protection de l’enfance, et le numérique représente une opportunité pour améliorer le travail, à la fois pour les équipes et les jeunes.

Depuis l’Accélérateur, un changement de direction a eu lieu et le siège a développé un outil au niveau national.

Le projet sera très certainement redéfini vers un outil de transmission entre les collègues ou les équipes afin de gagner du temps et mieux partager l’information. Un point avec l’Aract Normandie sera réalisé à la rentrée, dès l’arrivée de la nouvelle directrice, pour étudier les pistes d’actions possibles.

 

www.france-terre-asile.org

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L’Unec, Santra Plus et la DRDJSCS, absents lors de cet afterwork, auront l’occasion de partager plus en détail sur l’avancée de leurs projets lors d’une prochaine journée de travail ayant lieu en octobre prochain.

Pour six porteurs de la Saison #1, une journée de « Coaching des Possibles» est en effet organisée afin de travailler encore plus spécifiquement les aspects QVT des projets. Cette journée aura lieu au Café des images, avec une équipe d’animateurs composés de l’Anact, la Fing, l’Aract Normandie, et l’Apec.

Chaque porteur·euse a pu faire part, via différents posters, de leurs attentes en termes de qualité de vie au travail.

 

En résumé… Et après ?

Les éléments positifs qui ont marqué les projets – les attentes pour la suite

Les différent·e·s porteur·euse·s soulignent l’importance de pouvoir se réunir régulièrement pour échanger sur les projets et sur les difficultés rencontrées. Des apports renforcés sur la qualité de vie au travail et sur la méthodologie projet en lien avec les différents partenaires auraient également tout leur intérêt.

D’ores et déjà les porteur·euse·s de la saison #1 sont convié·e·s à la conférence – cocktail qui sera organisée le 28 novembre soir prochain, à Seine Innopolis, dans le cadre de l’Accélérateur des Possibles de la Saison #2 du Transformateur Numérique Normand !

Vous aussi vous souhaitez participer à l’aventure du Transformateur Numérique Normand ?
Candidatez à la saison #2 avant le 7 octobre 2019 !

L’appel à projets du Transformateur Numérique Normand Saison #2 est ouvert jusqu’au 7 octobre 2019 sur le thème « Faire de la transformation numérique un levier de qualité de vie au travail ».
L’accélérateur des Possibles, session d’accélération des projets du Transformateur Numérique se déroulera les 27 et 28 novembre 2019 à Seine Innopolis à Rouen.

Candidatez !

Pas de deux chez Catalyst : « Le Bal ! », un facteur commun

  • Enjeux

Entretien avec Claire-Marie Mériaux et Carmen Rouchet, membres du collectif Catalyst et bénéficiaires de la 8e édition du Transformateur organisé sur le thème des communs en juin 2018.

Claire-Marie Mériaux est une des fondatrices de POP, une société spécialisée dans le design de service autour de l’innovation sociale et numérique. Elle est aujourd’hui consultante en innovation sociale et numérique et contribue aux activités du Collectif Catalyst. Carmen Rouchet est quant à elle chargée de coordination chez POP. Ces deux Lilloises reviennent pour nous sur leur projet – « Le BAL ! Fabrique de Communs » – et leur passage par Le Transformateur.

 

Claire-Marie, Carmen, bonjour et merci d’avoir accepté cet interview. Vous êtes aujourd’hui spécialistes de l’innovation sociale et numérique. Comment votre parcours estudiantin et professionnel vous a-t-il conduit sur cette voie ?

 

Claire-Marie Mériaux : Pour ma part, j’ai étudié dans une école de commerce à Toulouse, puis j’ai travaillé durant plusieurs années chez un fabriquant de linge de maison afin d’en développer la clientèle. J’ai ensuite intégré la direction de la relation client d’un grand groupe international de vente à distance. Je rencontrais les comités de direction de grandes sociétés : c’est là que j’ai découvert ce qu’était l’innovation sociale, le design de services, et que je me suis mise à placer l’usager au centre de mes projets.

Grâce à cette expérience très enrichissante, j’ai eu l’opportunité de monter une start-up : il s’agissait de la première Marketplace française conçue pour les jeunes créateur de mode ! Les réseaux sociaux commençaient tout juste à émerger et j’ai réalisé qu’il devenait possible pour un petit créateur de vendre ses productions directement, sans intermédiaire.

Six ans après, je suis entrée dans l’écosystème lillois de l’innovation sociale en expérimentant la co-gestion et l’animation d’espaces de coworking – le Mutualab notamment. J’ai également intégré Catalyst, un collectif d’acteurs locaux réunit autour d’un laboratoire citoyen de recherche, cherchant à dynamiser l’innovation sociale par le numérique. C’est au sein de cet écosystème que j’ai rencontré ceux qui sont devenus mes associés pour créer POP. Carmen a alors rejoint l’équipe et a porté avec moi le projet « Le Bal ! Fabrique des communs ».

 

Carmen Rouchet : J’ai d’abord réalisé des études en communication avant de me spécialiser dans le développement territorial. J’étais passionnée par les problématiques liées à l’utilité sociale et les manières innovantes d’y répondre. J’ai ensuite étudié à l’IAE – une école universitaire de management – afin de me spécialiser dans la gestion de projets et la gestion économique des organisations. Cela fait trois ans que je travaille chez POP : je suis à la fois formatrice, facilitatrice et consultante.

 

 

Comment l’idée du « Bal ! » vous est-elle venue ?

 

Claire-Marie Mériaux : Les communs sont un sujet sur lequel l’écosystème Lillois de l’innovation sociale réfléchit depuis pas mal d’années. Le collectif Catalyst veille et expérimente sur ce sujet, à la manière d’un laboratoire de palpation des courants. Après plusieurs années, nous avons ressenti le besoin de travailler sur des communs concrets, tangibles, partageables ; des communs incluant l’expérience des entreprises.

J’ai alors réalisé un book sprint de deux jours, qui a abouti sur la création d’un cahier d’activités des tiers-lieux. Ce livret aide les personnes ayant pour projet de développer un tiers lieu – qu’il s’agisse d’un espace de coworking, d’un fablab, etc. – à se poser les bonnes questions et à partager leur vision avec l’ensemble des parties prenantes, afin que le lieu ressemble à l’inspiration du plus grand nombre. Il propose par exemple – à travers des questions, des exercices, des petits jeux – de mieux cibler les publics, les usages, l’identité du lieu. C’est un peu comme un cahier de devoirs de vacances.

On s’est vite rendu compte à quel point il était précieux de disposer de ressources de ce type, concrètes et partageables avec d’autres personnes, pour faciliter le travail collaboratif. Il nous fallait un cadre pour donner vie à d’autres productions de ce type. C’est pour cela que l’on a créé « Le Bal ! » – qui veut dire « lab » en lettres inversées. Nous voulions créer un laboratoire permettant de fabriquer collectivement et de manière agile des ressources partageables.

L’idée était également d’amener la culture des communs au sein des organisations, par l’expérimentation et la création rapide de prototypes de ressource en communs, à diffuser et à partager. Pour ce faire, nous avons fait appel aux méthodes du design thinking et aux pratiques issues de la co-conception. Nous organisons à la demande des sessions de type « résidence d’artiste » sur deux temps de trois à cinq jours. Nous réfléchissons par exemple à la manière de favoriser l’appropriation d’un lieu en commun, à la création des usages, ou bien encore à l’élaboration de nouveaux modes de collaborations et de partage de la valeur.

 

 

Qu’est-ce qui vous a amené à candidater au Transformateur ?

 

Carmen Rouchet : nous avons eu connaissance du dispositif via l’appel à projets du Fact – le fonds pour l’amélioration des conditions de travail – sur le thème des innovations organisationnelles et managériales, dans lequel nous étions engagées. Nous avions lancé en interne un certain nombre d’expérimentations, notamment sur le thème de la gestion du temps de travail. La thématique des communs portée par le Transformateur nous intéressait. C’est un sujet émergent et on voulait en être, pour partager notre vision des communs au travail, nous nourrir des échanges avec les autres candidats et booster notre projet.

 

 

Qu’est-ce que cette rencontre vous a apporté ?

 

Carmen Rouchet : Cela nous a permis de booster la vision que l’on avait des communs, en l’envisageant d’une manière beaucoup plus large, beaucoup plus inclusive que ce que l’on pouvait déjà porter. Concernant « Le Bal ! », notre approche des communs est avant tout méthodologique. Elle porte sur le fait de créer un objet ensemble et de partager une démarche collective qui fasse sens pour tout le monde. Le Transformateur nous a permis de rencontrer des porteurs de projets qui travaillent davantage sur des solutions techniques de partage de communs, ou bien de mise à disposition de ressources en commun. Ces approches-là nous ont permis de prendre du recul sur nos pratiques. C’était très enrichissant de croiser différents regards sur la question. Ces temps-là sont toujours assez exceptionnels. Ils nous ont contraints à réactualiser une manière de penser que l’on trouvait jusqu’ici très logique, et sur laquelle nous ne prenions plus le temps de mettre des mots. Confronter nos idées à d’autres regards, à d’autres cultures, à d’autres méthodologies nous a permis de faire mûrir notre projet.

 

Claire-Marie Mériaux : Ce que je retiens le plus, ce sont les moments d’échanges. J’ai un très bon souvenir de l’exercice réalisé à l’aide de l’ADN project tool, cet outil de mind mapping qui permettait à tout le monde de se poser les bonnes questions quant à l’organisation du travail, aux relations de travail, etc., et d’aller chercher très loin les réponses et de faire fleurir le projet dans ses recoins les plus lointains.

 

 

Comment « Le BAL ! » envisage-t-il le partage de la valeur – qu’elle soit pécuniaire ou non – au sein d’un projet ?

 

Claire-Marie Mériaux : Le partage de la valeur fait partie intégrante de nos réflexions actuelles ; et « Le Bal ! » nous a justement permis de nourrir ce sujet-là. Cette fabrique de biens communs nous a amené à réfléchir à la façon de préserver la ressource dans le temps de la prédation d’un acteur qui ne respecterait pas les règles, de la développer et de faire en sorte que les contributeurs puissent bénéficier des fruits de leur contribution. De ces réflexions est né un projet baptisé « L’Agence de l’aventure et de l’inattendu ». Il consiste en l’intervention – au sein d’un projet centré sur la création d’une ressource en commun – d’un tiers neutre, garant de la répartition de la valeur. Ce projet est en cours de développement. Il nous permet de poursuivre la réflexion amorcée dans le cadre du Transformateur et constitue un excellent complément au « Bal ! ».

 

Avez-vous d’autres projets dans vos cartons ?

 

Carmen Rouchet : Chez POP, nous sommes toujours en contact avec l’ARACT Hauts-de-France, qui nous a accompagné dans la mise en place du projet Fact. Nous sommes également entrés en contact – par l’intermédiaire du Transformateur – avec la Métropole européenne de Lille et avons pu échanger avec un interlocuteur spécialiste des communs autour de nos projets. Nous souhaitons à présent renforcer notre méthodologie en matière de communs et d’amélioration de la qualité de vie au travail. Nous recherchons des partenaires publics afin de donner davantage d’ampleur au « Bal ! », ainsi que des partenaires privés pour l’expérimenter. Nous souhaitons rencontrer les directions de grands groupes ayant déjà une appétence pour les communs, qui soient prêts à vivre une nouvelle expérience avec nous.

 

Claire-Marie Mériaux : Nous souhaitons également rencontrer les directions de grands groupes qui souhaiteraient innover dans leurs méthodes et usages.  Grâce au « Bal ! », nous pourrions faire naître leur appétence pour les communs, par la pratique.

 

Si un candidat potentiel vous demandait une seule et bonne raison de participer au Transformateur ?

 

Carmen Rouchet : Ce sont les rencontres et les échanges de ces deux journées ; et le regard bienveillant porté sur notre projet, que nous livrions dans sa version la plus brute.

 

Claire-Marie Mériaux : Idem ; cela m’a fait du bien de passer ces deux jours avec les animateurs du réseau Anact-Aract, de la Fing et de leurs partenaires. C’était une espèce de petite bulle bienfaitrice.

 

 

Pour en savoir + sur « Le Bal ! » et « l’Agence de l’aventure et de l’inattendu » :

 

http://catalyst-initiative.org

http://inattendu.cc/

Transformation numérique & conduite du changement : et le travail dans tout ça ?

  • Enjeux

Les évolutions amenées par l’introduction des technologies et de la culture numériques sont rapides et impactent le travail. Comment les projets de transformation numérique des organisations intègrent-ils les enjeux de conduite du changement et anticipent-ils les impacts sur le plan humain ? Quelles sont les bonnes questions à se poser ? Assia Milan, chargée de mission à l’Aract Normandie, nous livre ici quelques éléments de réponse.

Les évolutions amenées par l’introduction des technologies et de la culture numériques – dématérialisation, digitalisation, automatisation, systèmes d’information, cobotique, robotique, intelligence artificielle… – sont rapides. Elles impactent à la fois l’organisation du travail, les pratiques de management, les modes de coopération, le développement des compétences, les parcours professionnels des salariés comme des indépendants, etc.

Des études sur l’impact du numérique qui se multipient…

Les études sur l’impact du numérique se multiplient ces dernières années. Des plus récentes en lien avec les impacts en termes de compétences, formation, recrutement et accompagnement se développent en région : rapport du Ceser Normandie en novembre 2017 sur le numérique en formation, étude prospective sur les compétences numériques commanditée par la Région en cours de finalisation, diverses études sur les impacts du numérique par filières publiées par le pôle numérique de la CCI Normandie, évolution de la demande des entreprises concernant des tendances technologiques ou organisationnelles dans l’industrie et le bâtiment par l’Apec et le CESI, pour n’en citer que quelques unes.

 

Les impacts concrets de la transformation numérique sur le travail restent pour autant à investiguer : des effets sont observés et leur ambivalence est mise en exergue, entre opportunités pour les salariés de travailler avec plus de flexibilité, d’autonomie et de coopération d’une part, et émergence de nouvelles contraintes telles que l’intensification du travail ou l’hyper-rationalisation d’autre part.

 

 

Plus que la transformation numérique en elle-même, la façon dont celle-ci est menée aura des conséquences possibles sur la santé des salariés et la performance des organisations.

 

Des questions à se poser pour mieux prendre en compte le travail et innover

 

A l’instar de tout projet de transformation, les projets de transformation numérique n’échappent pas à la complexité des enjeux de conduite du changement et de l’anticipation des impacts humains et sur le travail.

 

 

Ce sont des questions concrètes qui se posent à la fois aux dirigeants d’entreprises et représentants du personnel, aux consultants et organismes qui accompagnent les entreprises dans ces transformations :

 

  • A quel moment et comment impliquer les salariés ? Quelle place des managers pour soutenir et accompagner les équipes ? Comment les soutenir dans ce rôle ?

 

  • Quel impact du numérique sur l’activité même de management ? E-management, évolution des modes de pilotage et de reporting, management à distance, évolution des relations de travail et des modes de communication, sont autant de sujets à investiguer.

 

  • Comment ces transformations vont-elles faire évoluer les ressources humaines ? Quels besoins en termes d’évolution des compétences et de formation ? Cela pose la nécessité d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que l’intégration de ces impacts sur la politique et stratégie de recrutement. La réflexion doit également permettre de construire des mobilités et évolutions professionnelles qui n’excluent pas les salariés plus âgés ou ne clivent pas les générations entre elles, tout en portant un autre regard sur la notion de compétence transférables et transversales en lien direct avec les situations de travail.

 

  • Comment ces transformations vont-elle impacter l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’organisation ? L’idée est de faire des projets de transformation numérique une opportunité pour améliorer l’égalité professionnelle et éviter que celle-ci bien ne se détériore. Or, le regard des impacts des transformations sur le genre n’est pas souvent intégré.

 

Les offreurs de solutions n’échappent pas à ces questions : comment intégrer au mieux les besoins du client en tenant compte le mieux possible des questions du travail et des impacts que cela soulève en termes de conduite du changement, d’appropriation et au final de réussite de la solution ?  Comment innover et enrichir son offre de services et/ou sa solution en anticipant les besoins des clients et en les accompagnant au mieux, au-delà des aspects techniques ?

 

 

Porter une attention à la démarche projet plus qu’à l’outil en tant que tel

 

La très forte dimension technique de ces projets de transformation numérique vient souvent masquer ce qui apparaît dans un second temps comme un projet de transformation beaucoup plus large et profond de l’entreprise. Le risque est de porter le regard sur « l’outil » et la technique, en accordant une importance moindre à la conduite de projet et aux impacts à la fois stratégiques globaux tout comme opérationnels concrets.

 

Les études sur l’impact du numérique ne manquent pas. Pour autant, la prise en compte du facteur humain et du travail, vecteur à la fois de qualité de vie au travail et de performance, reste encore trop souvent le parent pauvre des conduites de projet, intervenant encore tardivement dans celle-ci ou prise en compte difficilement car complexe.

 

Les offreurs de solution n’intègrent pas nécessairement ces dimensions dans leur offre de services ou dans leur modalité d’intégration de leurs solutions chez leurs clients. Certains seront d’ailleurs confrontés à des difficultés d’appropriation et/ou déploiement de leurs outils dans la durée. Un certain nombre d’entreprises commence à intégrer une brique « conduite du changement », ou « change » dans leur gestion de projet, mais ce n’est pas encore majoritaire. Différents cabinets de conseils interviennent également pour accompagner les structures dans ces transformations, mais les enjeux d’implication des salariés et de prise en compte du travail réel ne sont pas toujours outillés.

 

Le constat est qu’il n’existe pas une façon de faire, ni de solution type. Tout l’enjeu réside dans l’innovation et dans l’expérimentation, le partage des pratiques et des expériences des uns et des autres, les regards croisés entre entreprises, conseils, offreurs de solutions, autant sur les succès que les échecs, pour apprendre collectivement sur la façon de mener au mieux ces transformations numériques.

 

 

Le Transformateur Numérique normand, qui se tiendra au Dôme – à Caen – les 13 et 14 décembre 2018, a pour objectif d’offrir à 14 porteurs de projets de transformation numérique, deux jours d’accélération, afin d’interroger et d’enrichir leurs projets sur ces aspects de conduite du changement et plus particulièrement dans la prise en compte du facteur humain et du travail. La dynamique collective tient à la fois grâce au soutien et aux apports d’une équipe d’animateurs.trices expert.e.s aux profils complémentaires – économiste, sociologue du travail, ergonome, spécialistes du dialogue social -, tout comme l’échange entre participants, qu’ils soient structure concernée par une transformation numérique, offreur de solution ou conseil accompagnant les entreprises.

Au-delà de ces deux jours d’accélération, c’est une véritable mise en réseau, une orientation vers des dispositifs d’accompagnements régionaux adaptés qui est proposée. La perspective de la participation à un club pérenne afin de continuer à partager ses pratiques et s’enrichir dans la durée sera portée par les partenaires normands du Transformateur.

La Région Normandie, l’Agence de Développement pour la Normandie, la Direccte Normandie, la Direction Régionale aux Droits des Femmes et la filière Normandie (DRDFE), Web Experts (NWX) ainsi que d’autres partenaires régionaux portent cette action et permettront ainsi de mobiliser et valoriser l’écosystème et contribuer à favoriser une synergie régionale.

 

Pour en savoir plus sur cet appel à projets et postuler >>> cliquer ici

 

 

Assia Milan, Chargée de mission Aract Normandie

Compte-rendu de la table ronde “Travail et communs, travail en commun : vers de nouvelles organisations de travail”

Cette table ronde a eu lieu lors de la session du Transformateur Numérique, spécial « communs » du 14 et 15 juin 2018.

A l’occasion d’une édition spéciale du Transformateur sur la thématique « Travail et communs, travail en commun : vers de nouvelles organisations de travail », une table ronde avait été organisée pour prolonger la réflexion en présence d’intervenants d’horizons divers, intéressés depuis longtemps par la question ou l’un de ses aspects :

  • Orianne Ledroit, directrice de la Mission Société Numérique, au sein de l’Agence du Numérique,
  • Lionel Maurel, juriste et bibliothécaire, spécialiste des communs de la connaissance,
  • Xavier Petrachi, représentant CGT d’Airbus, CGT Métallurgie Occitanie,
  • Nicolas Loubet, du tiers-lieu La Myne à Villeurbanne, et Samuel Barreau de la scop Oxalis, représentants de la coopérative expérimentale d’entrepreneurs OxaMYNE.

 

 

En initiant cette table ronde, avaient été listées des dynamiques présentes dans le monde du travail, inspirées des diverses formes de « mises en commun » comme par exemple les collaborations étendues au-delà des frontières des entreprises, les processus d’innovation ouverte ou de coopérations territoriales, les espaces de travail ouverts, proposant des ressources partagées – fablab, coworking. Mais le lien direct entre « travail » et « communs » n’est pas une évidence. C’est ainsi que Xavier Petrachi ne parle pas de « communs », à juste titre, en évoquant les actions mises en place par son syndicat pour faire reconnaître la « communauté de travail » autour de l’avionneur Airbus. Dans le bassin d’emploi toulousain, il y a en effet énormément d’entreprises qui travaillent pour cette grande entreprise avec un taux de dépendance très fort – de 80 à 100% -, et il existe donc un destin commun entre ces sous-traitants et ce donneur d’ordre. Que ce soit au sein d’Airbus ou des sous-traitants, les salariés sortent des mêmes centres de formations, quel que soit leur métier – ingénieur, ouvrier, chaudronnier… -, contribuent à la même production et ont la même finalité (produire un avion de qualité). Or les salariés n’ont pas les mêmes droits, ni les mêmes conditions de travail. Les syndicats ont donc voulu faire évoluer la norme, faire reconnaître cette communauté de travail et donner des obligations au donneur d’ordres vis-à-vis de cette communauté – voir l’ouvrage « la casse sociale chez Airbus et ses sous-traitants ». Ils ont même mené des actions judiciaires, qui sont allées plutôt dans leur sens, selon Xavier Petrachi. Par ailleurs, la loi du 27 mars 2017 oblige les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordre à établir un plan de vigilance à l’égard de leurs filiales, de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs, afin de prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, ainsi que de l’environnement. Mais ça pourrait aller plus loin, en associant les sous-traitants à la stratégie des donneurs d’ordre, ce qui rendrait ainsi plus visible la « communauté de travail », car « sans la sous-traitance, il n’y a rien qui se fait » selon Xavier Petrachi, qui a évoqué également les salariés de la sous-traitance du nettoyage, du gardiennage, de l’informatique, qui ne sont pas le cœur de métier d’Airbus, et qui sont donc encore plus invisibles.

 

 

Au niveau de l’État, la Mission Société Numérique est positionnée comme une administration qui doit servir les collectivités locales. Elle est depuis peu sociétaire d’une coopérative d’intérêt collectif, la MedNum – qui réunit les acteurs de la médiation numérique -, dans le but de « produire de l’action collective autrement que par le financement d’une action ou par le portage direct d’une action, (…) créer de la visibilité (…), créer collectivement des outils, mutualiser des ressources, faire émerger de nouveaux modèles de coopération », explique Orianne Ledroit. En faisant partie ainsi d’une coopérative d’intérêt collectif, l’État montre son intérêt pour la création de communs collectifs. Par ailleurs une réflexion a été menée sur la politique de contribution des agents publics au logiciel libre. L’administration reconnaît maintenant qu’un agent public qui contribue à enrichir un code d’un logiciel libre, le fait dans le cadre de ses fonctions, de son action publique ; et que cette contribution a intérêt à être favorisée, diffusée, valorisée.

 

 

Les sociétés coopératives et participatives sont de beaux exemples de gestion en commun, puisqu’elles s’appuient sur 7 principes : adhésion volontaire et ouverte à tous ; pouvoir démocratique exercé par les membres ; participation économique des membres ; autonomie et indépendance ; éducation, formation et information ; coopération entre les coopératives et engagement envers la communauté. La Scop Oxalis veut aller plus loin que la mutualisation de moyens et ressources, en augmentant la coopération en interne – aujourd’hui ce sont près de 30% de l’activité qui est produite de manière collective, explique Samuel Barreau, un de ses représentants – ; mais aussi en sécurisant les parcours de coopérateurs, en rendant plus durables leurs activités et en permettant à chacun de vivre correctement de son activité. Oxalis a inventé le concept de « salariés sans patron » : les personnes sont autonomes, acteur de leur activité professionnelle, mais en ayant un statut social de salarié et donc une protection sociale. Oxalis s’est par ailleurs associé à d’autres organisations coopératives, associatives et mutualistes pour mettre en place une « mutuelle de travail associé », c’est-à-dire une organisation collective, source de droits et de solidarités sociales, du nom de Bigre !.

Oxalys expérimente également avec la Myne, « le tiers-lieu des transitions par les communs », représenté par Nicolas Loubet, en développant une coopérative expérimentale d’entrepreneurs, OxaMyne. Leur but est d’expérimenter différentes modalités d’organisation de travail où la répartition de la richesse n’est pas reliée à qui fait quoi. Ainsi, l’objectif premier n’est plus de se générer un salaire individuellement par son activité économique, mais de créer de la richesse pour la communauté en générant donc une activité dont les revenus sont à destination de la communauté. Ils parlent même parfois de « coopérative d’inactivité » pour que les personnes ne soient finalement pas dans l’obligation de travailler ou en tout cas dans la possibilité de moins travailler. La Myne rassemble en effet des personnes aux parcours divers et peu linéaires, et qui se sont épuisés à essayer de joindre les deux bouts : chercheurs à qui on a interdit de travailler sur des sujets d’intérêt général, artisans qui veulent échapper à la propriété intellectuelle pour mettre leur création dans le domaine public, chômeurs qui en ont marre de leur situation et du statut qu’on leur renvoie, … . Ils cherchent donc à trouver une solution pour se donner un statut, en sortant du CDI personnel pour aller vers un CDI qui les représenterait tous, un « CDI communautaire ». Ce contrat n’existe pas encore, bien sûr, mais c’est ce qu’ils essaient de construire, une configuration d’emploi qui leur garantisse une protection à tous.

Si l’on revient aux contributeurs des communs, les commoners, mais aussi au digital labor, la question se pose de savoir s’ils sont dans une situation de travail et s’ils peuvent revendiquer des droits sociaux, explique Lionel Maurel. Alain Supiot, dans son ouvrage « Au-delà de l’emploi » paru en 1999, anticipait déjà le problème du travail des indépendants, le problème de perte de protection sociale que cela pouvait occasionner et la nécessité de reconstituer des systèmes de protections sociales pour les indépendants. Il envisageait également que l’engagement associatif puisse être une forme de travail. C’est pourquoi Lionel Maurel pense qu’il y a un vrai enjeu pour les commoners de se penser en situation de travail et de revendiquer les droits sociaux qui vont avec. Par ailleurs, il évoque une notion qui revient souvent dans les communs, celle de l’autonomie normative, c’est-à-dire qu’un « commun doit normalement être en capacité de produire ses propres règles, adaptées à sa situation ». Mais quand on est dans un environnement où il y a du droit autour de soi, il y a des normes supérieures qui s’appliquent, et il s’avère très difficile de produire ses propres règles, explique-t-il. Le meilleur exemple d’autonomie normative est la création des licences libres : tout en s’appuyant sur les lois qui existaient, un champ des possibles a été ouvert de façon tout à fait légale à l’opposé des licences propriétaires.

 

Alors que le secrétaire d’État au numérique, Mounir Mahjoubi, a annoncé un droit à la dérogation pour soutenir des projets innovants dont le développement est freiné par des dispositions réglementaires – dans le cadre de France Expérimentation –, les personnes intéressées par le CDI communautaire devraient pouvoir profiter de ce droit à la dérogation, selon Lionel Maurel, pour mettre en pratique le concept d’autonomie normative, l’expérimenter et poser les bases de ce nouveau contrat – d’autant plus qu’il existe déjà la rupture conventionnelle collective, comme l’a fait remarquer Julien Cantoni du projet Mangroov dans le public.

 

 

Il y aurait encore beaucoup de choses à rendre compte de cette table ronde :

–    le lien entre communs et marché, évoqué par Lionel Maurel, sous l’angle « il n’y a pas de logique contre marché, mais contre certains excès du marché » et donc un rapprochement possible avec l’économie sociale et solidaire : la Coop de Communs est ainsi une association qui vise à faire émerger une synergie entre le monde de l’ESS et les communs ; elle a développé la Plateforme en Communs dans le but de créer un écosystème français de plateformes collaboratives équitables, productrice de communs et prenant en compte les enjeux sociaux et sociétaux de leurs activités ;

–    l’ouvrage collectif et auto-édité « Fork the World », évoqué par Nicolas Loubet – et auquel il a contribué -, qui développe une pensée alternative des tiers-lieux et édite notamment cinq propriétés fondamentales qui régissent le fonctionnement des tiers-lieux : configuration sociale, patrimoine commun, libre appropriation, émancipation par le faire, résilience et modularité ;

–    l’épuisement qui peut toucher les contributeurs, autrement dit une tragédie des communs ne touchant pas la ressource, mais les communautés.

 

Par ailleurs, en complément, vous pouvez également lire l’article de Chrystelle Bazin intitulé « Et si on se dirigeait inévitablement vers du common washing ? » ainsi que le blog de Lionel Maurel qui publie beaucoup d’articles sur le sujet des communs, son dernier a pour titre « Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital » ? ».

Table ronde « Travail et communs, travail en commun, vers de nouvelles organisations de travail ? »

A l’occasion de la 8e édition du Transformateur, une table ronde-débat : « Travail et communs, travail en commun : vers de nouvelles organisations de travail ? » est organisée le 14/06 à 18h à Superpublic.

A l’occasion de la 8e édition du Transformateur et de la Semaine pour la qualité de vie au travail, l’Anact, la Fing et leurs partenaires – les réseaux Anact-Aract et Sharers & Workers, le Groupe Chronos, l’association ASTREES et l’IRES – vous invitent à participer à une table ronde-débat sur le thème : « Travail et communs, travail en commun : vers de nouvelles organisations de travail ? ».

La révolution numérique a revivifié la notion de “communs”, c’est-à-dire  la création et la préservation de ressources gérées collectivement, par une communauté d’individus, s’étant donné des règles de fonctionnement et de gouvernance. Les exemples les plus connus se retrouvent dans le champ des communs de la connaissance – logiciels libres, wikipédia… Dans le monde du travail, ces dynamiques ont inspiré diverses formes de « mises en commun » :

  • des collaborations étendues au-delà des frontières des entreprises – innovation ouverte, coopération territoriale, etc. ;
  • des espaces de travail ouverts et proposant des ressources partagées – fablab, coworking ;
  • de nouveaux formats de licence pour favoriser le partage et l’enrichissement collectif – licence libre, licence à réciprocité.

Comment ces pratiques influent-elles sur l’entreprise, ses frontières, ses métiers, ses modèles opérationnels, l’organisation du travail, son rapport à l’écosystème, ses modèles économiques, voire ses représentations de la performance ? La dynamique des communs concoure-t-elle à une redéfinition du « travail » et à la reconnaissance de nouvelles formes d’activités et de partage de la valeur ?

Pour en débattre :

  • Orianne LEDROIT, directrice de la Mission Société Numérique, au sein de l’Agence du Numérique ;
  • Lionel MAUREL, juriste et bibliothécaire, spécialiste des communs de la connaissance ;
  • Xavier PETRACHI, représentant CGT d’Airbus, CGT Métallurgie Occitanie ;
  • Nicolas LOUBET et Samuel BARREAU, représentants de la coopérative expérimentale d’entrepreneurs OxaMYNE, portée par la scop Oxalis et le tiers-lieu « La Myne » à Villeurbanne.

Au programme :

  • à 18h >>> Rencontre avec les porteurs de projets du Transformateur spécial « Communs »
  • à 18h30 >>> Table ronde

Nombre de places limité – Inscription souhaitée avant le 12 juin, en cliquant sur ce lien.

« Favoriser la participation des collaborateurs non connectés »

Entretien avec Christophe Jow, co-fondateur de la start-up Captila et lauréat du Transformateur spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations »

 

Christophe Jow et Jules Boiteux sont lauréats du Transformateur spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations ». Respectivement diplômés de l’École Centrale de Paris et de HEC Paris, ils ont lancé le projet Captila en mai 2017. Il s’agit d’une plateforme SaaS* de collecte de données RH, et notamment de données concernant la qualité de vie au travail. Captila est spécifiquement adaptée aux collaborateurs non-connectés (i.e. les collaborateurs qui ne possèdent pas d’adresse mail professionnelle, et/ou qui n’ont pas de téléphone ou d’ordinateur professionnel). La plateforme Captila se présente au départ comme un routeur multicanal permettant aux collaborateurs, sur la base du volontariat, de répondre à des questions RH via la messagerie web de leur choix. Les données récoltées sont traitées sous formes d’indicateurs, puis transmises aux services RH. Christophe nous raconte le parcours et les évolutions de son projet.

 

Bonjour Christophe, et merci d’accepter cette interview. Pourriez-vous nous raconter ce qui vous a amenés à fonder Captila ?

Jules et moi sortons tout juste de nos études ; le fait que nous nous positionnons sur des problématiques propres aux entreprises peut donc paraître surprenant : à part nos stages de césure, nous avons peu d’expérience en entreprise. C’est qu’au départ, nous voulions nous attaquer aux problèmes de communication interne dans les écoles, et en particulier à la communication entre les personnels des administrations et les étudiants. C’est une problématique qui nous touchait directement : il nous manque des informations, on envoie un mail à l’administration pour les obtenir, et on se voit répondre que l’information a déjà été transmise aux étudiants… En fait, un grand nombre de mails importants se retrouve noyés dans un flux d’informations qui arrive dans nos messageries, et finissent par se perdre.

L’idée de départ, c’était donc de remédier à ça, en permettant à l’administration d’envoyer les messages importants (comme les dates de rendu des rapports de stages, les rappels des échéances, etc.) sur la messagerie du choix des étudiants. A SupOptique et HEC, nous avons testé une première plateforme, où les messages étaient envoyés par SMS. Nous avons eu de très bons retours de l’administration et des étudiants. Le problème, c’est que le marché n’était pas viable du tout : débloquer des budgets des écoles pour ce type de dispositif, ça n’intéressait pas forcément les directions. Les personnels de l’administration en voyaient bien l’intérêt, mais les personnes qui devaient payer, beaucoup moins…

 

Nous nous sommes donc tournés vers les entreprises, en restant focalisés sur les problèmes de communication interne. Nous avons mené environ 80 entretiens avec des directeurs et des directrices de communication, dans des entreprises de toutes tailles, et dans tous les secteurs. C’est alors que la problématique de la fracture numérique est apparue. Des directeurs de communication nous faisaient part d’un écart gigantesque entre deux types de communication : ils parviennent très bien à communiquer sur l’intranet, à délivrer les informations par mail, et même s’ils n’ont pas de garantie que les gens les lisent, ils savent que l’information est disponible. A l’inverse, pour communiquer auprès des personnes qui sont sur les chantiers ou dans les usines, le seul moyen disponible, c’est l’affichage papier, qui demande plus de temps et d’argent, et qui ne permet pas de délivrer l’information en temps réel. La communication descendante constituait donc la première problématique visée, mais nous nous sommes rapidement aperçu que les remontées d’informations étaient tout aussi importantes.

Afin de proposer un outil efficace, il fallait partir des usages concrets, et nous avions besoin d’interroger des collaborateurs. Ca a été un tournant dans notre projet : finalement, l’accès à la communication institutionnelle intéressait peu ces salariés. En revanche, ils témoignaient d’une certaine frustration vis-à-vis des RH, se sentaient peu entendus, et critiquaient le fait que les décisions soient prises pour le terrain sans qu’on les consulte, alors même qu’ils sont les premiers à en connaître les besoins. A ce stade-là, vers octobre 2017, nous avons donc décidé d’abandonner complètement l’idée de faciliter la communication descendante, pour nous orienter vers un outil de remontée d’informations.

 

Qu’est-ce qui vous a amenés à candidater au Transformateur Numérique spécial « Participation des salariés à la transformation numérique des organisations » ? 

 

Nous sommes incubés à l’incubateur de HEC, qui est logé à Station F. Ici, nous avons accès à un Slack** doté d’un chanel « Concours », où chacun poste les concours et appels à projets qui pourraient intéresser les autres. Au moment où nous avons vu passer l’annonce, nous avons trouvé que le thème correspondait parfaitement à notre projet, mais nous ne connaissions pas vraiment l’Anact, ni la Fing. Quand nous nous sommes renseignés, nous avons pensé qu’elles avaient exactement le type d’expertise dont nous avions besoin.

 

A ce propos, au moment de postuler, aviez-vous des attentes particulières quant à votre passage par le Transformateur ?

Plusieurs raisons nous ont poussés à postuler au Transformateur. La première, c’est que nous souhaitions rencontrer l’Anact afin de profiter de son expertise en matière de conditions de travail. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut avoir l’opportunité de rencontrer des spécialistes de la question. C’était aussi l’occasion de pouvoir faire connaître le projet et de le rendre plus visible.

Le plus important, c’est que nous voulions prendre du recul sur notre projet, ce qui n’est pas toujours facile à faire : il y a beaucoup d’avantages à travailler à Station F, mais finalement, on reste entouré d’entrepreneurs qui sont confrontés à des problématiques similaires aux nôtres et réfléchissent avec les mêmes codes que nous. Confronter notre projet aux regards de personnes issues de milieux complètement différents du nôtre permet de bénéficier d’une véritable ouverture. Au demeurant, nous avons vraiment apprécié de rencontrer les gens de Secafi, qui nous ont beaucoup aidés, et que nous n’aurions pas rencontrés sans le Transformateur.

 

Pourriez-vous expliquer en quoi la rencontre avec les autres porteurs de projets vous a aidé à repenser votre projet ?

Avant de postuler au Transformateur, nous avions déjà opéré un tournant en entrant en contact avec des DRH, ce qui nous a permis d’acquérir une bonne vision de leurs problématiques. Le Transformateur nous a également incités à nous tourner vers les représentants du personnel, qui expriment des besoins similaires aux services RH : il leur faut des remontées du terrain, et ils n’ont pas toujours les moyens d’aller chercher l’information. La présence de Secafi, qui travaille précisément avec les instance représentatives du personnel – IRP -, nous a été vraiment bénéfique. D’ailleurs, nous avons pris rendez-vous avec eux afin qu’ils nous aident à aborder ces acteurs, que nous connaissons encore mal.

 

Une bonne raison de participer au Transformateur Numérique ?

Le fait de pouvoir brainstormer avec des personnes que l’on ne rencontre pas au quotidien, ça permet de faire un pas de côté et d’apporter une certaine ouverture au projet. Et parce qu’il y a des moments qui sont consacrés à notre projet uniquement, cette ouverture est efficace pour nous permettre d’enrichir le projet.

 

Après 12 mois passés à la tête de Captila, Christophe Jow et Jules Boiteux ont décidé de mettre fin à leur activité. Ils partagent avec vous quatre billets dans lesquels ils reviennent sur l’aventure Captila, les raisons de son arrêt, ce qu’ils en retiennent, et l’après Captila. Nous leur souhaitons le meilleur pour la suite et vous invitons à suivre le parcours de ces jeunes entrepreneurs à l’avenir prometteur.

 

 

* Un logiciel en mode SaaS est un logiciel hébergé par le fournisseur. L’entreprise n’a pas besoin de l’installer pour accéder au service.

** Slack est un outil de messagerie de groupe instantanée.

Comment faire du numérique un levier pour l’égalité professionnelle ?

Troisième et dernier article sur le question de la progression de l’égalité professionnelle grâce au numérique.

Il apparaît dans le 1er et 2ème article que l’enjeu d’égalité professionnelle mérite d’être intégré aux projets de transformation numérique, pour une égalité d’accès à des conditions de travail de qualité pour toutes et tous. Mais le numérique, c’est aussi une culture, des démarches et des outils qui peuvent faire progresser l’égalité professionnelle dans le cadre d’actions ciblées sur les différents niveaux d’inégalités, mais permettant d’outiller les démarches de transformations organisationnelles ou de négociation collective intégrant l’enjeu d’égalité professionnelle.

Plusieurs niveaux de questions à se poser :

1) Comment étudier l’impact différencié des transformations numériques sur l’emploi, les conditions de travail et les compétences des femmes et des hommes ?

  • Comment anticiper les impacts de la robotisation en termes de transformation ou de destruction des emplois occupés par les femmes et par les hommes ?
  • Comment accompagner les parcours professionnels en lien avec la destruction des métiers à prédominance féminine ou masculine du fait des transformations numériques sur un territoire ?
  • Comment favoriser la mixité des métiers du numérique et le développement des compétences numériques pour toutes et tous ?
  • Comment anticiper les impacts sur l’égalité professionnelle dans l’entreprise des projets de transformation numérique ?

2) En quoi la culture, les démarches et outils du numérique peuvent soutenir la réduction des différents niveaux d’inégalités femmes-hommes dans l’entreprise ?

Mixité des métiers :

  • Comment proposer des outils de recrutement dénués de stéréotypes de genre et tenant compte des formulations pouvant inhiber les candidatures de femmes ou d’hommes ?
  • Comment proposer des outils permettant d’analyser le travail réel et éviter les représentations de métiers dans les offres d’emploi ?
  • … ?

Parcours Professionnels :

  • Comment les outils de gestion de carrière peuvent-ils identifier les sources d’inégalités liées aux congés maternité, paternité, parental ?
  • Comment les outils peuvent soutenir les réseaux professionnels d’entreprise pour les femmes et les hommes au service du développement de carrière ?
  • Comment les outils numériques peuvent soutenir la formation professionnelle continue à distance, mais également les formations mixtes aux outils du numérique en situation de travail ?
  • … ?

Amélioration des conditions de travail, santé au travail :

  • Comment concevoir les espaces de travail en prenant en considération la diversité des usagers ?
  • Comment les outils numériques peuvent-ils optimiser la prévention des risques professionnels en analysant les situations de travail des femmes et des hommes ?
  • Comment le numérique peut-il soutenir les salariés avec une maladie chronique et évolutive ?
  • … ?

Articulation des temps de vie professionnelle et personnelle :

  • Comment le numérique peut-il favoriser le travail à distance et l’articulation des temps pour toutes et tous ?
  • Comment le Numérique peut aider à pallier les risques liés au management à distance (droit à la déconnexion, charge de travail, isolement…) ?
  • Comment le numérique peut aider les territoires à penser les temps et les espaces au service des salariés, des entreprises, des acteurs publics ?
  • … ?

3) En quoi la culture, les démarches et outils du numérique peuvent aider à l’intégration de l’enjeu d’égalité professionnelle dans le cadre de projets de transformation notamment numérique et dans le cadre de négociations collectives ?

Conduite du changement :

  • Comment le numérique peut favoriser l’accompagnement du changement avec mixité des instances de décision et des instances opérationnelles ?
  • Comment le numérique peut aider à diagnostiquer la situation des femmes et des hommes dans l’entreprise, en amont des projets ?
  • Comment le numérique peut aider à pronostiquer les impacts des projets du point de vue de l’égalité professionnelle ?
  • … ?

Négociation collective de branche et d’entreprise

  • Comment le numérique peut faciliter le dialogue sociale et le processus de négociation EP / QVT ?
  • Comment le numérique peut soutenir l’analyse de données socio-économiques sexuées, base de l’état des lieux préalable ?
  • … ?

Sources : Réseau Anact-Aract

Le télétravail, la transformation numérique à l’épreuve de l’égalité professionnelle

2e article de la série numérique et l’égalité professionnelle.

L’exemple du télétravail montre dans quelle mesure cette modalité, forme illustrative des transformations liées au numérique, peut être un frein mais aussi un levier à l’égalité professionnelle sous conditions. Dans ce 2ème article, nous vous proposons un apport méthologique permettant de faire du projet de télétravail un levier pour l’égalité professionnelle.

L’enjeu d’égalité professionnelle dans le projet d’expérimentation du télétravail est double. Le premier est celui de l’égalité d’accès des salariés au télétravail :

  • Certains métiers véhiculent des représentations quant à leurs conditions de travail et à leur télé-compatibilité (fonctions support, services à la personne, postes d’ouvriers …).
  • Les femmes et les hommes peuvent être surreprésentées dans certains métiers.
  • Il existe un risque d’exclusion de ces populations, si l’on suit le concept de « métiers télétravaillables » à priori.

Le second est celui de la résorption durable des inégalités professionnelles grâce au télétravail :

  • Une nouvelle organisation du travail peut avoir des effets de renforcement des inégalités professionnelles (exemple : le télétravail perçu comme un avantage social et pénalisant pour l’évolution de carrière dans une culture du présentéisme – un télétravail non suivi peut provoquer isolement et désengagement, et accroitre les risques psycho-sociaux dont certaines populations pâtissent davantage).
  • Les transformations organisationnelles sont pour autant également un levier pour l’égalité professionnelle (exemple : le télétravail permet un accès facilité à une plus grande diversité de métiers, il permet des marges de manœuvres en terme de mobilité et d’articulation des temps…).
  • Il s’agit d’anticiper les impacts +/- des transformations organisationnelles sur les populations au travail, et de voir dans quelle mesure le projet de télétravail peut-être en effet un levier pour l’égalité professionnelle.

 

Le télétravail peut renforcer ou pas la mixité des métiers : femmes et hommes sont le plus souvent affectés à des postes ou à des activités distinctes.

Le télétravail est un levier pour l’égalité professionnelle, si :
+ : il permet d’élargir la palette des métiers pour les femmes et les hommes en les rendant plus accessibles et attractifs.

Le télétravail est un risque pour l’égalité professionnelle, si :
: toutes les populations de salarié(e)s ne peuvent accéder au télétravail du fait des emplois qu’elles ou ils occupent et des représentations associées.

Conditions de méthode pour un projet de télétravail, levier de mixité :
Au delà des représentations de métiers dits télétravaillables, analyser les avantages et inconvénients à télétravailler les activités.

Le télétravail peut développer ou pas les parcours professionnels : femmes et hommes n’ont pas les mêmes opportunités d’évolution professionnelle.

Le télétravail est un levier pour l’égalité professionnelle, si :
+ : il facilite les parcours de toutes et tous par la mobilité fonctionnelle ou géographique et l’accès à des postes à responsabilité.

Le télétravail est un risque pour l’égalité professionnelle, si :
: il est considéré comme un avantage social pour des questions d’articulation des temps de vie, s’il est perçu comme un défaut d’engagement dans une culture du présentéisme, s’il provoque une distanciation managériale, et donc ralenti les carrières et les promotions comme le temps partiel dans une culture du présentéisme.

Conditions de méthode pour un projet de télétravail, levier parcours professionnels :
Tester de nouvelles pratiques managériales :

  • faire progresser le management vers une culture de la confiance ;
  • outiller le management du travail pour maintenir le suivi des collaborateurs télétravailleurs et non télétravailleurs.

Le télétravail peut améliorer ou pas les conditions de travail : femmes et hommes ne sont pas dans les mêmes conditions d’exposition aux risques et pénibilités.

Le télétravail est un levier pour l’égalité professionnelle, si :
+ : il est l’occasion d’analyser l’activité de travail. S’il analyse les conditions de travail en télétravail et hors télétravail. Si il améliore les conditions de travail, par exemple l’autonomie ou la confiance. Si il propose des alternatives au domicile tels que les tiers-lieux.

Le télétravail est un risque pour l’égalité professionnelle, si :
: il renforce les représentations de métier ; s’il accentue l’isolement ou le manque de soutien social, les risques psycho-sociaux.

Conditions de méthode pour un projet de télétravail, levier d’ACT & Santé :

  • Analyse du travail en amont et documentation de l’expérience durant l’expérimentation.
  • Alternative au télétravail au domicile, le tiers-lieux.

Le télétravail peut améliorer l’articulation des temps : femmes et hommes n’ont pas les mêmes horaires de travail, ni la même durée de travail du fait des emplois occupés, ni les mêmes activités hors travail.

Le télétravail est un levier pour l’égalité professionnelle, si :
+ : il permet à toutes et tous d’accéder à des marges de manœuvres spatio-temporelles ; s’il facilite l’articulation des temps pour que toutes et tous puissent assurer leurs responsabilités dans leurs différents espaces de vie, et permet de rééquilibrer le partage des tâches familiales.

Le télétravail est un risque pour l’égalité professionnelle, si :
: il intensifie le cumul simultané des activités en cas de présence familiale en situation de travail à domicile (garde simultanée des enfants, rôle d’aidants familiaux…).

Conditions de méthode pour un projet de télétravail, levier d’ACT & Santé :
Un management et des pratiques RH volontaires pour les femmes et les hommes.

La démarche organisationnelle de télétravail

Aussi, la démarche organisationnelle de télétravail doit permettre de :

  • sensibiliser les porteurs de projets télétravail à l’égalité professionnelle et à ses enjeux en amont de la démarche ;
  • s’assurer que de manière régulière sont diagnostiquées les inégalités (mixité, parcours, conditions de travail et santé au travail, articulation des temps), pour effectuer une prospective des impacts pertinente sur ces différentes dimensions ;
  • mettre en place des groupes de travail mixtes tout au long de la démarche pour piloter, expérimenter et suivre le projet ;
  • analyser les avantages et inconvénients à télétravailler les activités, au-delà des représentations de métiers ;
  • considérer les risques du télétravail, dont certains peuvent avoir des effets différents selon les populations et plus marqués pour les femmes que pour les hommes ;
  • profiter du télétravail pour faire progresser le management du travail vers moins de contrôle et de présentéisme ;
  • effectuer régulièrement une évaluation de l’égalité d’accès des femmes et des hommes au télétravail.

Les inégalités professionnelles sont un coût pour l’entreprise, en termes de problématiques de santé au travail, d’engagement des salariés et d’attractivité, d’innovation organisationnelle notamment.

Sources : Réseau Anact-Aract – Aract Bretagne – Aract Normandie